Anthony Obame, fut le tout premier, et reste à ce jour l’unique médaillé olympique du Gabon, ainsi que le premier Africain à avoir disputé une finale olympique de son sport, le taekwondo, c’était aux Jeux Olympiques de Londres 2012 lorsqu’il a remporté la médaille d’argent dans la catégorie des plus de 80 kg.
Par Clinton Mombo
Comme beaucoup de professionnels du milieu, Anthony Obame a l’habitude de disputer de grands combats et de relever des défis, mais cette fois-ci les choses sont bien différentes.
Alors qu’il venait de se qualifier pour les Jeux Olympiques de Tokyo, initialement programmés pour cet été et reportés à 2021, le Gabonais a vu sa préparation stoppée net en raison de la pandémie du Covid-19 qui ravage le monde et affecte, de ce fait aussi, le calendrier sportif.
Malgré les contraintes engendrées par l’épidémie et surtout l’isolation et le deuil provoqués par la maladie, Anthony Obame puise dans son sport des leçons de vie et de combattivité qu’il nous a partagées.
« Le plus important c’est de sortir de cette mauvaise période. Sortir de cette situation le plus rapidement possible c’est ça la priorité », explique Obame.
« C’est une période très, très, très compliquée, une période difficile que nous n’avions jamais connue, enfin moi personnellement, depuis que je suis né, et je suis né en 1988. Je n’ai jamais connu une période comme ça où le monde entier est paralysé, stoppé net à cause d’un virus. Il y a toujours eu des maladies, il y a eu des épidémies, et oui même des pandémies c’est vrai, mais qui paralysent le monde entier à ce niveau ? Jamais. Donc c’est nouveau pour nous, on essaye de s’adapter comme on peut », explique le taekwondoïste.
S’il est évidemment déçu de ne pouvoir disputer cette année au Japon la XXXIIe Olympiade, Anthony Obame est conscient qu’un combat bien plus grand et bien plus important que ceux qu’il a l’habitude de disputer sur les tatamis du monde entier est en train de se dérouler à l’échelle planétaire.
« Mentalement, je dirais qu’au niveau de la motivation, c’est vrai que ça prend un coup quand même, parce qu’être stoppé d’un élan… Je sortais du tournoi de qualification, je venais de me qualifier. Y’avait des compétitions prévues à faire pour continuer cette préparation. Dans nos têtes à nous tous, les Jeux Olympiques c’était dans quelques mois, dans quatre mois. Nous étions prêts à affronter cette deuxième phase. Maintenant nous sommes stoppés, faut tout réorganiser », déclare-t-il.
« On peut être déçu, c’est tout à fait normal on s’est préparé pendant très longtemps, pendant plusieurs années pour arriver à ces Jeux Olympiques. C’est un combat très difficile, mais aujourd’hui nous avons un combat beaucoup plus important », dit-il.
Comme des millions de personnes à travers le monde, Anthony Obame est confiné chez lui, en Espagne, l’un des pays les plus gravement frappés par la pandémie.
C’est à Palma de Majorque qu’il s’est installé en 2013 pour s’entraîner au club Élite Ramos & Brigitte, afin d’y poursuivre ses rêves olympiques.
« J’ai la grâce d’avoir un jardin chez moi, j’ai la grâce d’avoir de l’espace, donc je peux continuer à m’entraîner. C’est clair que ce n’est pas le même volume, le même niveau, les mêmes exigences d’entraînement qu’avec mes partenaires, mes entraîneurs etc., mais au moins ce qu’on fait c’est de l’entretien, en espérant que les choses aillent pour le mieux le plus vite possible », explique le jeune homme.
Plutôt positif de nature et pas du genre à se plaindre, Anthony Obame préfère alors trouver dans le confinement le moyen de toujours avancer et refuser le KO.
Pour le Gabonais, quels que soient nos combats, il y a toujours une leçon à en tirer, mais avant toute chose, il est important d’accepter sa réalité et de s’y adapter comme on le peut.
« Nous sommes des athlètes et notre travail c’est aussi de s’adapter ; il y a des choses qu’on ne peut pas contrôler. Il y a des choses qu’on peut contrôler, comme à l’entraînement, notre forme physique etc., mais quelque chose comme ça, ça nous dépasse et on doit faire l’effort de nous adapter. Je sais que c’est une situation compliquée qui ralentit le rythme, mais c’est ralenti pour tout le monde », soutient le sportif.
« Ça permet justement de régler peut-être des problèmes, d’apporter des solutions sur des situations que nous n’avions pas le temps de régler, parce que nous étions occupés, parce que je ne vous cache rien, un sportif de haut niveau, il est tout le temps à cent à l’heure, il a toujours un programme à faire : entraînements, compétitions, préparation, même lorsqu’il est en train de se reposer, il prend ce temps-là pour faire autre chose. Et aujourd’hui c’est beaucoup plus calme, on a beaucoup plus le temps d’observer, on a beaucoup plus le temps de profiter de petits moments que nous n’avons pas forcément le temps de remarquer quand on est en pleine activité », ajoute-t-il.
Très croyant, Anthony Obame refuse de voir dans les événements qui arrivent une fatalité et ne pense pas que 2020 est une année perdue, car l’une des leçons qu’il retient de sa carrière est que l’on apprend aussi beaucoup dans l’adversité.
« Ce sont les épreuves de la vie qui m’ont fait comprendre qu’effectivement, oui je suis un homme, oui que je suis un champion, mais je peux perdre ma santé, je peux perdre tout ce qui fait en sorte que j’aie cette confiance en moi, je peux tout perdre, les hommes vont me tourner le dos, mais le seul qui sera là pour me relever me restaurer, c’est le Seigneur et c’est ce qui s’est passé dans ma vie », dit-il.
2014 restera pour Anthony Obame une année charnière, qui a fait suite à une glorieuse période et sa médaille d’argent olympique de 2012, son titre de champion du monde de 2013 et sa médaille d’or aux championnats d’Afrique de 2014.
Obame était alors sur le toit du monde et sa chute n’en a été que plus vertigineuse. « Pour un champion, le cauchemar d’un sportif c’est la blessure. J’ai eu tellement de blessures qui m’ont fait passer à côté de grands événements », explique-t-il.
Entre 2014 et 2015, Anthony Obame a subi plusieurs opérations. « Là où il y avait les médecins, là où il y avait la famille, là où il y avait tout, mais lorsqu’on va dans une descente – entre guillemets parce que c’est pas l’enfer – mais dans une descente comme celle-là, revenir au haut niveau, revenir au top, à part la motivation, à part le travail, c’est le Seigneur qui m’a restauré, et c’est le Seigneur qui est mon appui, même dans mes combats dans mes projets, je lui confie mes projets et je sais que tôt ou tard j’aurai la victoire », dit-il.
« Et je sais que je ne suis pas parfait, mais mon combat c’est de m’attacher à sa parole », dit-il. « Dans l’épreuve, je regarde au Seigneur, parce que je suis confronté à une épreuve, seulement parce qu’il est possible pour moi de la surmonter, c’est comme ça que je vois les choses ».
Ainsi, pour Anthony Obame, l’épreuve est faîte pour être surmontée et son message au monde est : « de ne pas prendre peur, de garder courage, d’être responsable, de rester chez soi, parce qu’en se protégeant on protège aussi les autres et on permet de résoudre ce problème, éradiquer cette maladie le plus vite possible. »
« Moi je suis de tout cœur avec le corps médical, je suis de tout cœur avec tous ceux qui luttent pour cette victoire parce que ce sera une victoire et nous pourrons aller aux Jeux Olympiques plus sereinement ».
Tel est donc à son niveau le nouveau défi d’Anthony Obame, qui a fait du combat un art de vivre car pour lui « tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir ».
Source: BBC