La nouvelle présidente de la Commission européenne a placé son mandat sous le signe de la géopolitique. Sa visite en Éthiopie marque une étape importante.
Par Maurice Duteil
Pour sa première sortie officielle en dehors de l’UE, la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen a choisi l’Ethiopie. L’ancienne ministre allemande de la Défense, qui occupe son poste depuis le 1er décembre, a atterri samedi matin à Addis-Abeba. Elle s’est immédiatement rendue au quartier général de l’Union africaine pour y rencontrer le président de la commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat. Au menu des échanges : les questions de migrations et de soutien aux opérations sécuritaires africaines.
Pour souligner le fait qu’elle avait personnellement choisi l’Afrique pour son premier voyage, il déclarera que : ‘’Cela fait maintenant moins d’une semaine que la Commission européenne a pris ses fonctions et je suis ici au cœur du continent africain.’’ Et d’ajouter : ‘’J’espère que ma présence à l’Union africaine pourra envoyer un message politique fort. Parce que le continent africain et l’Union africaine comptent pour l’Union européenne et la Commission européenne’’. Voilà qui est dit. Mais au-delà de la rhétorique, comment l’UE peut-elle concrètement aller de l’avant avec l’Afrique ?
Alors que l’UE est le principal partenaire commercial de l’Afrique (36 % du commerce de marchandises), et sa première source d’investissement (283 milliards d’euros) et d’aide au développement, les deux blocs sont à un tournant crucial de leurs relations. L’intérêt de la présidente de la commission pour l’Afrique s’inscrit dans un contexte de renouveau entamé par son prédécesseur, Jean-Claude Junker. En effet, ce n’est que vers la fin de sa présidence que ce dernier a lancé un ‘’nouveau partenariat’’ avec l’Afrique, à travers notamment, l’Alliance Afrique-Europe. Un plan d’investissement européen qui vise à créer 10 millions d’emplois dans les pays africains. Pour l’heure, les résultats se font attendre, mais l’Afrique représente bien un enjeu vital pour l’UE, et cela est vrai tant pour développement que pour sa sécurité : en 2100, on comptera 4,5 milliards d’Africains pour 466 millions d’Européens.
Mais pour la nouvelle présidente de la Commission européenne, l’heure n’est pas aux grandes annonces. Ursula Von der Leyen cherche plutôt à comprendre ‘’les tendances qui modèlent l’Afrique et l’Union africaine, le développement sur l’ensemble du continent, les priorités politiques et économiques’’, a-t-elle tenu à préciser. Et justement l’une des ‘’grandes’’ problématiques actuelles pour le continent, c’est le changement climatique.
Ursula von der Leyen, sur ce sujet, a déjà annoncé son ambition de faire de l’Europe le premier continent neutre sur le plan climatique d’ici à 2050 et doit présenter le 11 décembre un ‘’Pacte vert’’. À Addis-Abeba, elle a estimé que l’Afrique et l’Europe pourraient collaborer à la lutte contre le réchauffement. L’Afrique est particulièrement exposée au réchauffement climatique alors qu’elle ne produit que 3,8 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. ‘’Vous, ici, sur le continent africain, comprenez mieux que quiconque le changement climatique’’, a-t-elle déclaré alors que se tient la COP25 à Madrid depuis le 2 décembre.
Autre dossier brûlant : la question migratoire. Cette semaine, au moins 62 migrants africains sont morts noyés au large de la Mauritanie en tentant de gagner l’Europe, dans le pire naufrage en 2019 sur la route des migrations longeant la côte atlantique. Les dirigeants européens et africains sont déterminés à trouver des solutions aux causes profondes de l’immigration, comme la pauvreté. Dans ce sens, l’Afrique réclame aussi que les pays européens ouvrent leurs portes à plus de migrants africains. Aux côtés de Moussa Faki Mahamat, le président de la commission de l’Union africaine, Ursula von der Leyen s’est montrée très prudente quant aux solutions venues de Bruxelles. ‘’Honnêtement, je n’ai pas toutes les réponses à ces défis, mais je suis convaincue qu’ensemble nous pouvons trouver les réponses’’, a-t-elle ajouté, pendant que Moussa Faki appelait à une mobilisation internationale accrue pour contrer les menaces sécuritaires, notamment le terrorisme.
La présidente de la Commission européenne s’est ensuite entretenue avec le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, qui doit recevoir mardi à Oslo le prix Nobel de la paix. Elle a félicité son hôte pour cette récompense et pour avoir su faire la paix avec l’Érythrée. ‘’L’Éthiopie a donné de l’espoir à tout le continent. Je veux que vous sachiez que nous sommes à vos côtés’’, a-t-elle déclaré.
L’Afrique est un continent avec une ‘’immense ambition, des aspirations, mais aussi des besoins’’. Ursula Von der Leyen l’a dit : elle n’est pas venue à Addis-Abeba en Éthiopie annoncer un ‘’grand plan’’, mais plutôt pour comprendre ‘’les tendances qui modèlent l’Afrique et l’Union africaine, le développement sur l’ensemble du continent, les priorités politiques et économiques’’, a déclaré la nouvelle présidente de la Commission européenne.
Au total, 170 millions d’euros d’accords ont été signé par la commissaire aux partenariats internationaux, Jutta Urpilainen, et le ministre éthiopien des Finances, Sufian Ahmed. Un événement qualifié de ‘’coup d’accélérateur important’’ dans les relations entre l’institution européenne et le pays de la Corne de l’Afrique. L’Éthiopie est l’un des plus gros récipiendaires d’aide de l’UE.