La pandémie de Covid-19 intervient au plus mauvais moment pour l’Afrique, notamment, avertissent la FAO et le PAM. En 2019, avant cette crise sanitaire, 135 millions de personnes dans le monde dans 55 pays étaient au bord de la famine en 2019. Un chiffre qui pourrait exploser cette année avec la pandémie.
Par David. Hauce
C’est une autre bombe qui menace : la faim dans le monde. Avec la déstabilisation des chaînes d’approvisionnement, notamment, par la propagation du Covid-19, la sécurité alimentaire de l’Afrique est menacée. La situation est d’autant plus critique que les ministres de l’agriculture du G20 se sont engagés »à coopérer étroitement et à prendre des mesures concrètes pour sauvegarder la sécurité alimentaire et la nutrition dans le monde ».
L’urgence est là. Mardi, un rapport commun de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le Programme alimentaire mondial (PAM), remis au conseil de sécurité alertait sur le fait que quelque 135 millions de personnes dans le monde dans 55 pays affectés par les conflits et les problèmes climatiques étaient au bord de la famine en 2019. Il s’agit du chiffre le plus élevé depuis quatre ans qu’existe le rapport. Et ce avant que l’épidémie de Covid-19 ne vienne compliquer encore plus les choses.
D’où l’alerte du PAM. Le nombre de personnes au bord de la famine risque de doubler en 2020 du fait de cette pandémie. »Le nombre de personnes souffrant sévèrement de la faim pourrait doubler […] atteignant alors plus de 250 millions d’ici la fin de 2020 », a-t-il averti. »Des gens qui avaient besoin d’aide vont avoir besoin d’aide plus longtemps et de nouvelles personnes vont se retrouver en situation d’insécurité alimentaire à cause du Covid-19 », a déclaré Arif Husain, économiste principal au PAM. »Ce Covid n’aurait pu arriver à un pire moment », a-t-il estimé, alors que la situation était déjà en train de se dégrader.
Selon le rapport commun de la FAO et du PAM, le nombre de personnes au bord de la famine a nettement augmenté en 2019, passant de 113 à 135 millions de personnes. Et c’est encore l’Afrique qui paye le plus lourd tribut à cette situation »d’insécurité alimentaire aiguë », avec 73 millions de personnes touchées, soit plus de la moitié.
Parmi les pays dont la population est la plus largement concernée par ce fléau, le Soudan du Sud (61 %), le Yémen (53 %), l’Afghanistan (37 %), mais également la Syrie, Haïti, le Venezuela, l’Ethiopie, la République démocratique du Congo, le Soudan et la partie nord du Nigeria. »Les conflits étaient toujours le principal moteur des crises alimentaires en 2019, mais les conditions climatiques extrêmes et les chocs économiques sont devenus de plus en plus importants », indique le rapport. La corne est de l’Afrique s’est retrouvée ainsi confrontée à une invasion, de criquets qui a sévèrement endommagé les récoltes.
Mardi, l’ONG Oxfam, dans un autre rapport consacré à la question, pointait le fait que 50 millions de personnes sont menacées par la faim en Afrique de l’Ouest en raison de la pandémie de Covid-19 ajoutée aux problèmes de sécheresse et à l’insécurité dans la région. Le nombre de personnes en crise alimentaire pourrait plus que doubler en trois mois, à 50 millions en août contre 17 millions en juin, selon l’ONG, citant des estimations de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
En ville comme en zones rurales, malgré les efforts des Etats, les populations ont des difficultés d’accès aux marchés alimentaires, et elles font face à un début de hausse des prix et une baisse de la disponibilité de certaines denrées de base, conséquences des confinements ou couvre-feu mis en place, de la fermeture des frontières et de l’insécurité dans certaines zones, ajoute l’ONG. En quelques jours au Burkina Faso, »le sac de 100 kg de mil est passé de 16.000 à 19.000 Francs CFA, et le litre d’huile pour la cuisine a presque doublé. Avec le virus en plus de l’insécurité, je me demande comment le mois de Ramadan sera vécu cette année », a souligné Amadou Hamadoun Dicko, président de l’Association pour la Promotion de l’Elevage au Sahel et en Savane (APESS).
En promettant de »travailler ensemble pour faire en sorte que des aliments suffisants, sûrs, abordables et nutritifs continuent d’être disponibles et accessibles à toutes les personnes, y compris les plus pauvres, les plus vulnérables et les personnes déplacées de manière opportune, sûre et organisée », les ministres de l’agriculture du G20 ont du pain sur la planche.