Après plus de deux ans et demi de bons et loyaux services, le médiateur en chef de l’ONU sur la Libye a annoncé, lundi 2 mars, sa démission.
Par Maurice Duteil
C’est un coup dur pour le processus de réconciliation en Libye. Lundi, l’émissaire de l’ONU dans le pays, Ghassan Salamé, a démissionné, officiellement pour des « raisons de santé ». « Je dois reconnaître que ma santé ne me permet plus de subir autant de stress, j’ai donc demandé au secrétaire général (de l’ONU) de me libérer de mes fonctions », a écrit en arabe le diplomate libanais âgé de 69 ans sur son compte Twitter.
Une information confirmée par le porte-parole de l’ONU à New York, Stéphane Dujarric : « Le secrétaire général a reçu un message de M. Salamé exprimant son intention de quitter son poste de représentant spécial pour la Libye. » « Le secrétaire général a toujours fait pleinement confiance au travail de M. Salamé et aux grands efforts qu’il a déployés pour ramener la paix en Libye. Le secrétaire général discutera avec M. Salamé de la manière d’assurer une transition en douceur afin de ne pas perdre les acquis déjà atteints », a-t-il ajouté. C’est le sixième représentant de l’ONU en Libye à jeter l’éponge en moins de dix ans. En fait depuis que le pays ravagé par une guerre civile post-Kadhafi est devenu la proie des convoitises des puissances étrangères.
Depuis sa nomination, le 22 juin 2017, par le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, à la suite de l’Allemand Martin Kobler, Ghassan Salamé s’est efforcé – à de nombreuses reprises – d’apaiser les tensions entre les deux autorités rivales du pays. « J’ai essayé d’unir les Libyens et de restreindre l’ingérence étrangère », a-t-il affirmé dans son annonce, évoquant notamment le sommet international sur la Libye organisé fin janvier à Berlin et les pourparlers interlibyens qu’il avait récemment lancés sur trois volets, politique, militaire et économique.
Depuis le 12 janvier, une trêve est observée, bien que régulièrement violée, aux portes de la capitale libyenne entre les pro-GNA et les pro-Haftar. Mais l’unification des institutions de l’État et l’organisation d’élections, chères à l’ancien conseiller de Kofi Annan, sont encore loin d’être une réalité.
Mais c’est surtout l’attaque surprise lancée le 4 avril par lz maréchal Haftar contre contre Tripoli, le jour où le secrétaire général de l’ONU était en visite en Libye, qui a anéanti les efforts entrepris jusque-là. Le pays était alors à quelques jours d’une conférence interlibyenne longuement préparée par l’ONU. Ghassan Salamé avait regretté que tous ces efforts soient sapés, quelques jours après le début des combats aux portes de la capitale.
« Nous avons travaillé pendant un an entier à la préparation de quelque chose qui n’a pas de précédent en Libye, c’est-à-dire une conférence nationale réunissant tout le monde. […] Et voilà que ces efforts partent en fumée », avait déclaré l’émissaire onusien dans une interview à l’AFP. La conférence était appelée à établir une feuille de route pour sortir le pays du chaos, mais elle avait été annulée après l’assaut.
Par la suite, l’émissaire de l’ONU a essayé d’unifier la position de la communauté internationale sur la Libye, après avoir constaté que les divisions et les ingérences étrangères compliquaient le conflit dans le pays et rendaient difficile toute solution politique. Il a ainsi réuni les puissances mondiales et les principaux pays concernés par le conflit lors du sommet de Berlin où des engagements de non-ingérences et de relance du processus politique ont été pris.
Vendredi, à Genève, Ghassan Salamé s’en est d’ailleurs pris aux « cyniques » qui tentent de saper les discussions entre les belligérants libyens, réclamant par ailleurs un plus grand soutien international. L’émissaire de l’ONU a déclaré qu’il souhaitait la poursuite des négociations interlibyennes, même si les deux camps ont annoncé la suspension de leur participation aux pourparlers politiques.