L’Agence nationale de sécurité sanitaire et environnementale a passé en revue 160 nouvelles études parues depuis 5 ans. Il n’y a plus de doute : la pollution de l’air, par les particules ultra fines et les gaz d’échappement des véhicules diesel, est en grande partie responsable de 48 000 morts prématurés chaque année.
Par David B. Hauce
Plus on acquiert de connaissances sur la pollution de l’air, plus les certitudes sont là. Selon l’ANSES, qui vient de passer en revue 160 publications parues depuis 2013 (depuis la dernière expertise du genre menée par l’Organisation Mondiale de la Santé) et de scruter 20 composés, les niveaux de preuve sont forts : autrement dit, au niveau 5 sur une échelle de 1 à 5.
Oui, certains composés de l’air ambiant sont bien responsables des 48 000 morts prématurées enregistrées chaque année en France, selon les chiffres de Santé Publique France. Les particules ultra fines (d’un taille inférieure ou égale à 1 micron, soit un millième de millimètre) sont particulièrement nocives et à l’origine de maladies respiratoires et cardiovasculaires.
« Les effets sont très forts » insiste Valérie Pernelet-Joly, chef de l’unité d’évaluation des risques sanitaires à l’ANSES. Or ce ne sont pas ces particules qui sont aujourd’hui prises en compte pour déclencher l’alerte et la circulation alternée dans les grandes agglomérations. Les autorités se basent sur les PM10 ou 2.5, autrement dit des particules de 10 mm et 2,5 mm.
Pour son expertise, l’ANSES a d’abord évalué les effets sur la santé (83 modifications physiologiques prises en compte). Ensuite, elle a réalisé un focus sur le trafic routier en zone urbaine, là où la pollution aux particules est la plus importante, afin d’évaluer différents scénarios de politiques publiques.
Sur l’origine du mal, trois principales sources, déjà connues, ont été identifiées. Les particules ultra fines (PM1, de taille nanométrique), le carbone suie et le carbone organique. « Les sources sont le trafic routier, la combustion de charbon et la combustion de biomasse » précise Valérie Pernelet-Joly.
Plus nouveau, car non mentionnés dans le rapport de l’OMS de 2013 : les effets sur la santé des enfants. De nouvelles indications, faibles cependant, suggèrent un impact sur le cerveau des enfants dont les capacités d’apprentissage sont affaiblies et un faible poids à la naissance. Enfin, note l’agence, de nouvelles preuves ont été mises en évidence pour certains composés des particules comme l’ammonium, le sulfate ou le nitrate ainsi que des métaux de transition, comme le fer, le zinc, le nickel, le cuivre ou le vanadium.
Fortes de ces conclusions, l’ANSES recommande de cibler désormais trois indicateurs actuellement non réglementés. Pour décider de la circulation alternée, pour déconseiller le sport aux plus fragiles par exemple, ce ne sont plus les PM10 qu’il faudrait prendre en compte mais les PM1, le carbone suie (issu des moteurs diesels, des centrales à charbon ou à bois, du chauffage au fuel ou du brûlage de déchets agricoles) et le carbone organique (produit par les organismes vivants et qui entre dans le cycle du carbone).
L’ANSES recommande de poursuivre les recherches sur des secteurs moins bien étudiés comme la pollution agricole, la pollution maritime et aéroportuaire. Concernant la pollution routière, elle a étudié des scénarios d’évolutions possibles des émissions et des concentrations.
En simulant l’évolution du parc automobile (sans le réduire), l’ANSES a pu évaluer l’impact de choix technologiques différents de ceux d’aujourd’hui. Que se passe-t-il si l’on généralise les filtres à particules, si l’on diminue le nombre de véhicules diesel, si l’on multiplie les voitures électriques, etc. ? Réponse : cela conduit à une baisse des concentrations moyennes de pollution, mais les normes OMS restent dépassées.
Seules solutions : diminuer le trafic routier et promouvoir l’électrique. Cela permettrait de réduire d’au moins 30 % les émissions annuelles de carbone suie et de PM2.5. Mais pour y parvenir, il faudrait compenser par des modes de déplacements moins impactant pour la qualité de l’air (les transports en commun, l’intermodalité), ou totalement sans impact (comme l’usage du vélo et la marche à pied).
Enfin, l’expertise de l’ANSES note qu’au-delà des gaz d’échappement, une source nouvelle est désormais mesurée : l’abrasion des systèmes de freins et des pneus sur la chaussée. Ces particules se fractionnent jusqu’à atteindre une taille nanométrique, restent en suspension dans l’air et sont délétères pour l’appareil respiratoire.