Le président Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 35 ans dans ce pays d’Afrique de l’Est, va vraisemblablement se succéder à lui-même à l’issue d’une campagne électorale plus violente que d’habitude et marquée par la fermeture des réseaux sociaux, mardi. Son bilan économique n’est pas mauvais, mais la corruption et le chômage des jeunes donnent des arguments à son principal
Par Maurice Duteil
La présidentielle de ce jeudi en Ouganda se présente sous de mauvais auspices. Comme en miroir de la polémique sur les fermetures de comptes de Donald Trump, les géants du numérique se sont retrouvés au coeur de la bataille dans ce pays très rural (café, thé, coton et un peu d’hydrocarbures) de 41 millions d’habitants de la région des grands lacs africains, entre le président Yoweri Museveni et l’opposition.
Les militants de cette dernière ne pourront pas alerter sur des fraudes électorales via les réseaux sociaux et messageries, puisque Facebook, Twitter, WhatsApp, Signal et Viber ont été fermés mardi soir par les autorités. Une mesure de représailles à la désactivation par Facebook, le matin, de dizaines de comptes de proches du président accusés de diffusions de fausses nouvelles et ‘’d’influence indue sur le débat public’’. Le président ougandais, qui est aussi chef du gouvernement, a répliqué mardi : ‘’Nous ne pouvons tolérer l’arrogance de quiconque vient décider à notre place de ce qui est bien et de ce qui est mal’’.
Cette soudaine coupure des réseaux sociaux conclut une campagne électorale plus violente que d’habitude. Cinquante-quatre personnes ont été tuée en octobre à l’issue d’un meeting. Des candidats de l’opposition ont été arrêtés et empêchés de faire campagne. Leurs supporters ont été visée par des gaz lacrymogènes et parfois par des balles réelles. Journalistes, critiques du régime ou encore organisations d’observation des élections ont de diverses manières été empêchés de travailler.
Le président Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 1986, soit la quatrième plus forte longévité actuelle en Afrique, affronte en effet un challenger plus redoutable que lors des cinq précédents scrutins : Bobi Wine, 38 ans, une ancienne star de la chanson surnommée le ‘’président du ghetto’’. Brièvement arrêté mardi, le plus en vue des dix candidats de l’opposition se promène désormais avec casque et gilet pare-balles. Il fustige le phagocytage de l’Etat par le parti au pouvoir, le NRM (Mouvement pour la résistance nationale, une ancienne guérilla), la corruption et le chômage des jeunes.
Le chef de l’Etat se targue pourtant d’une progression des revenus moyens et d’une relative stabilité, par comparaison avec les massacres à l’ère d’Idi Amin Dada, ou la guerre civile sous Milton Oboté. Mais l’économie ne crée que 75.000 nouveaux emplois chaque année alors que 700.000 jeunes entrent dans le même temps sur le marché du travail, selon la Banque mondiale. La démographie est en effet galopante, l’âge moyen des Ougandais est de… 16 ans.
Au vu du verrouillage politique et médiatique opéré par le NRM, ‘’le contexte rend simplement impossible de gagner une élection contre Museveni. L’identité du challenger importe peu’’, estime l’analyste politique ougandais Bernard Sabiti. Bobi Wine a promis d’appeler à des manifestations pacifiques s’il perd après avoir constaté des fraudes. Même si plusieurs chefs d’Etat africains apparemment inamovibles ont été chassés ces dernières années par des révoltes populaires, notamment de jeunes sans perspectives, l’opposition pourrait être pénalisée pour l’organisation de protestations par un maintien de la fermeture des réseaux sociaux.