C’était un moment historique, ce lundi 20 juin 2022, la justice belge a remis à la famille de Patrice Lumumba une relique. Une dent qu’un officier belge avait pris sur le corps de l’ancien Premier ministre peu après son assassinat il y a plus de 61 ans. Après cette restitution, la dépouille du héros national a été conduite à l’ambassade de RDC à Bruxelles, signant là son retour en terre congolaise.
Par David B. Hauce
« Je suis très ému, je ne pensais pas que ce jour pouvait arriver», Jules Lumumba a les yeux brillant quand il parle de son parent. Le vieil homme regarde avec émotion le grand cercueil qui trône désormais au milieu de l’ambassade congolaise, entouré de fleurs blanches. À ses côtés, des Congolais de Belgique sont venus se recueillir près de la dépouille du héros national et signer les registres de condoléances.
Dans la salle, on retrouve aussi bien des anonymes que des ambassadeurs, comme celui du Gabon. Chacun vient quand il veut. « C’est notre tradition, explique un des organisateurs, chacun vient rendre hommage sans s’annoncer, la maison est ouverte tout simplement. » Dernière étape d’une journée riche en émotion commencée quelques heures plus tôt lors d’une cérémonie familiale en petit comité au palais d’Egmont, au cœur de la capitale belge.
La dent, seul vestige restant du corps du premier Premier ministre du Congo, a été rendu à sa famille. La fin d’une attente de plus de 61 ans pour ses trois enfants : Juliana, Roland et François. « Ce moment d’émotion et de gravité doit ouvrir un moment d’espoir, estime Juliana Lumumba, il doit, apaiser les mémoires blessées, et combler le fossé mémoriel qui existe » entre la Belgique et la RDC.
La cérémonie privée a été suivie des discours des officiels, et notamment ceux des deux chefs de gouvernement. Le Belge Alexander de Croo a réitéré les excuses de son pays alors que le Congolais, Jean-Michel Sama Lukonde, a annoncé l’organisation du « deuil national qui n’a jamais pu avoir lieu ». Un deuil qui doit maintenant emmener la dépouille de Patrice Lumumba à travers tout le pays pour une dizaine de jours de commémoration.
Le Premier ministre belge a pointé lundi la responsabilité morale de plusieurs ministres belges en poste en 1961 : « Ils auraient dû percevoir que son transfert au Katanga mettrait sa vie en péril, ils ont choisi de ne pas voir. Un homme a été assassiné pour ses convictions politiques. Pour le démocrate que je suis, c’est indéfendable, pour le libéral que je suis, c’est inacceptable et pour l’humain que je suis, c’est odieux ».
Alexander de Croo a ensuite réitéré les excuses du gouvernement belge. Excuses déjà présentées en 2002 par Louis Michel, le ministre des Affaires étrangères de l’époque. Un an auparavant, une commission d’enquête parlementaire avait déjà conclu à la responsabilité morale de la Belgique dans cet assassinat. Le Premier ministre belge est donc resté sur la même ligne. Un positionnement qui a profondément déçu l’historien belge Ludo de Witte, éminent spécialiste de cette affaire : « “Responsabilité morale ça évoque une passivité. Non, il y avait un rôle actif de la Belgique, actif et même prépondérant dans le déroulement des faits, et donc c’est ça ce qui manque, une responsabilité complète qui doit établir des excuses et des conclusions ».
Le discours d’Alexander de Croo a, à l’inverse, était salué par la famille de Patrice Lumumba. Pour ses enfants, l’objectif est désormais de tourner la page de cette histoire douloureuse et de promouvoir la relation entre les deux pays.