L’Union africaine déclarait en Janvier 2008, que la Turquie est un partenaire stratégique de l’Afrique. Depuis lors les relations entre le continent et ce pays ont pris des proportions intéressantes. Une quinzaine de tournées en autant d’années, trente pays visités à l’issue de la visite débutée dimanche 17 octobre 2021 : Recep Tayyip Erdogan revient sur le continent africain avec des ambitions en constante progression.
Par Maurice Duteil
Dans deux mois le troisième sommet Turquie-Afrique aura lieu à Istanbul en décembre prochain. C’est en prélude à cet événement que le chef de l’Etat turc effectue un voyage de trois jours devant le mener en Angola, au Togo et au Nigeria. Le partenariat avec ce continent est »stratégique » pour son pays, a-t-il déclaré.
On peut constater que le volume des échanges commerciaux est passé de 5,4 milliards de dollars en 2003 à plus de 10 milliards de dollars en 2007. La Turquie aurait pour objectif d’atteindre les 50 milliards de dollars en 2012. Le sommet d’Istanbul a été naturellement le déclic de cette nouvelle ambition. Une cinquantaine de délégations africaines avaient été invités à participer au premier sommet Turquie -Afrique.
La Turquie a réussi à faire du sommet d’Istanbul un véritable de cadre de coopération socio économique et politique. Si Ankara a un temps envisagé sa relation avec l’Afrique sous un horizon avant tout commercial, porté par un argument qui fait mouche : »Moins cher que les produits européens et de meilleure qualité que les chinois », les perspectives se sont depuis élargies au champ sécuritaire.
Il faut relever un fait important par la présence d’une importante délégation du Savunma Sanayii Baskanlıgı, l’agence qui pilote l’industrie militaire turque, qui est du voyage. »La Turquie affiche aujourd’hui une vraie politique de puissance complète où le soft power installé par le commerce, la culture islamique et les ONG est couplé au hard power avec la vente d’armements », analyse Dorothée Schmid, la responsable du programme Moyen-Orient à l’Institut français des relations internationales (IFRI).
La première étape de M. Erdogan en Angola devrait comporter une forte tonalité économique. L’objectif annoncé d’Ankara est de porter les échanges bilatéraux avec ce pays de 176 millions à 500 millions de dollars (de 152 millions à 431 millions d’euros) annuels. L’ouverture récente de la liaison Luanda-Istanbul par Turkish Airlines devrait y contribuer : la compagnie aérienne qui dessert désormais près d’une soixantaine de destinations africaines est un outil d’influence efficace.
Au-delà de ses richesses pétrolières, l’Angola est également une puissance régionale sur laquelle la Turquie peut s’appuyer pour affirmer ses ambitions en Afrique centrale, notamment en République démocratique du Congo (RDC). Recep Tayyip Erdogan a rencontré le président de RDC, Félix Tshisekedi, en septembre, notamment pour le remercier de son implication dans le combat contre le mouvement du prédicateur Fethullah Gülen.
Depuis le putsch manqué de juillet 2016, le pouvoir turc n’a cessé de traquer les réseaux et les proches de son ancien mentor. Et le continent africain – où ce dernier fit un temps figure d’avant-garde des intérêts turcs avec ses écoles de qualité, ses hommes d’affaires et ses diplomates – n’échappe pas à cette chasse internationale. En mai, le neveu de Fethullah Gülen a été »kidnappé » au Kenya, selon sa famille.