Le match que toute l’Espagne attend, prévu samedi 26 octobre, a été reporté, dans un contexte de crise politique en Catalogne.
Par Clinton Mombo
Les rencontres officielles de football opposant le Real Madrid et le FC Barcelone, qu’on appelle ici les clásicos, ont eu lieu à 242 reprises dans l’histoire. Une seule fois seulement, un tel match toujours très attendu et empreint de passion de la part des deux clubs mythiques de l’Espagne a été reporté. En l’occurrence pour une période de quarante-huit heures. Ce fut le 6 avril 1968, après qu’un arrière uruguayen du Barça, Julien César Benítez, décéda à l’âge de 27 ans, dans des circonstances mystérieuses.
Plus d’un demi-siècle plus tard, un clásico est de nouveau reporté. Cette fois-ci, à une date très reculée le 18 décembre à la veille de Noël. Et surtout pour des raisons politiques et d’ordre public. Le samedi 26 octobre, date prévue initialement pour la prochaine rencontre »choc » entre les deux ténors de la Liga, le championnat espagnol, constitue en soi un danger aux yeux des responsables de la Fédération espagnole de football : alors que la Catalogne est ces jours-ci en effervescence (après le verdict du tribunal suprême espagnol, rendu lundi, condamnant neuf leaders séparatistes à des peines de neuf à treize années de prison), elle risque de l’être plus encore le prochain week-end, lorsqu’est prévue une grève générale dans toute la région.
Les raisons invoquées par les responsables du football espagnol sont d’ordre sécuritaire. Cette semaine, les principales villes de Catalogne, et Barcelone au premier chef, sont le théâtre d’altercations entre manifestants et forces de l’ordre, de routes bloquées et d’un blocage quasi général. Si, comme c’est très prévisible, ce scénario se reproduit la semaine prochaine, il est préférable de reporter la rencontre, estiment les autorités.
Une autre raison, non explicitée, tient à la nature même de la rébellion indépendantiste. Le FC Barcelone soutient officiellement la cause séparatiste et l’exécutif régional de Catalogne (qui défend la tenue d’un référendum d’autodétermination, contre la volonté de Madrid) : du côté espagnol, on craint donc que le clásico ne devienne une caisse de résonnance des griefs sécessionnistes et d’un désir largement partagé – environ 70 % des Catalans – de la tenue d’une consultation. D’autant que le Camp Nou, le stade du club barcelonais, est coutumier du déroulement de vastes banderoles où défilent des slogans pro-indépendance.
Une troisième raison ayant poussé à ce report est liée à des motifs sportifs. Les deux clubs voient en effet le changement de date avec un regard favorable sur le plan de la récupération physique. Les joueurs du Barça reviendront tout juste d’un déplacement difficile à Prague le mercredi. Quant à ceux du Real Madrid, ils bénéficieront, certes, d’un jour supplémentaire de récupération après un déplacement à Istanbul contre Galatasaray. Mais, vu leurs mauvais résultats précédents dans la Ligue des champions, une victoire est capitale pour leur accès aux huitièmes de finale.
Il reste deux perdants, pour l’instant, à la suite de ce report. La Liga, le championnat espagnol, puisque, si le clásico est joué un mercredi au lieu d’un samedi, il perd une bonne partie de son public asiatique (650 millions de téléspectateurs au total). Et aussi le camp séparatiste, qui comptait bien sur cette rencontre pour hurler sa colère au monde.