L’opposition, qui voit en ces élections une manœuvre du président Condé de renforcer son pouvoir, a annoncé depuis des semaines qu’elle boycotterait le scrutin.
Par Maurice Duteil
Les législatives du 16 février en Guinée ont été reportées au 1er mars, selon un décret du président Alpha Condé lu lundi soir à la télévision, dans un pays en proie à une agitation meurtrière contre l’intention prêtée au chef de l’Etat de briguer un troisième mandat en 2020. L’actuel Parlement est entré en fonction en janvier 2014 pour cinq ans. Des élections devaient se tenir fin 2018 ou début 2019, mais n’ont pas eu lieu pour des raisons politiques et techniques, au milieu de querelles exacerbées entre la majorité et l’opposition.
La date du 28 décembre 2019 a ensuite été proposée, puis celle du 16 février 2020. « Les élections législatives initialement prévues le 16 février 2020 sont reportées au 1er mars 2020 », a déclaré le présentateur du journal télévisé en lisant le décret signé du chef de l’Etat, qui ne donne pas les raisons de ce report.
L’opposition, qui voit en ces législatives une manœuvre du président Condé de renforcer son pouvoir, avait annoncé depuis des semaines qu’elle boycotterait le scrutin et en empêcherait sa tenue. Ses principaux partis, réunis, avec des organisations de la société civile, au sein du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), qui mène depuis octobre 2019 la contestation, n’ont d’ailleurs pas déposé de listes de candidats avant la date limite.
Alors que la campagne a officiellement commencé le 14 janvier, les listes électorales n’ont été affichées que dans quelques rares préfectures, où elles ont souvent été arrachées, selon des témoins interrogés par l’AFP. Par ailleurs, la date d’un référendum constitutionnel, préalable à la modification de la loi fondamentale qui pourrait permettre à Alpha Condé de se représenter n’a toujours pas été annoncée.
La Guinée, pays pauvre d’Afrique de l’Ouest malgré les richesses de son sous-sol, est depuis plus de trois mois livré à une agitation dans laquelle au moins vingt-huit civils et un gendarme ont été tués. Le mouvement, à plusieurs reprises sévèrement réprimé, a jeté une lumière crue sur le comportement des forces de sécurité guinéennes, dénoncé de longue date par les défenseurs des droits humains. Plusieurs vidéos accusatrices, montrant par exemple des policiers frappant des civils arrêtés ou un vieil homme, ont circulé sur Internet.
La semaine dernière, une vidéo virale montrant des policiers utiliser une mère de famille comme bouclier face à des lanceurs de pierres a fait scandale. « Personne ne dicte à la Guinée ce qu’elle doit faire », avait averti devant un parterre de diplomates le président Condé, ancien opposant historique élu en 2010 et réélu en 2015, après des décennies de régimes autoritaires.