L’opposition avait appelé à boycotter les législatives et le référendum.
Par Maurice Duteil
L’annonce est tombée avec la nuit vendredi, en fin de journal télévisé. Un communiqué, signé du président Alpha Condé, annonçait, à la surprise générale, le report des élections prévues dimanche, à peine 36 heures plus tard. »C’est assez inattendu mais c’est une bonne nouvelle », glissait un diplomate.
Samedi matin, après des jours de tensions, Conakry retrouvait sa langueur d’un jour de week-end. Dans les périphéries, massivement acquises à l’opposition, les grandes artères restaient quasi désertes. Mais le risque de heurts semblait, au moins pour un temps, s’éloigner. »On reste prudent et on est toujours prêt à se battre », assurait Thierno un jeune militant de Wanindara, un quartier contestataire.
C’est en partie pour éviter un nouvel affrontement que le pouvoir a choisi de repousser les législatives et le référendum constitutionnel de dimanche. Cellou Dalein Diallo, le leader de l’opposition, avait choisi de boycotter ces deux scrutins tant pour des raisons de fond que de forme. Il soupçonne, non sans d’excellentes raisons, le changement de constitution de ne servir en réalité que de prétexte à Alpha Condé pour pouvoir briguer un troisième mandat. Une ficelle déjà utilisée par bien des présidents africains pour s’accrocher au pouvoir.
Quant aux législatives, »Cellou » les estimait »jouées d’avance » en raison d’une liste électorale »truquée ». Là encore, l’opposition peut arguer de sa bonne foi. Selon un audit de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), chargée d’accompagner les élections en Guinée, sur les 7,7 millions d’électeurs inscrits, près de 2,5 millions seraient douteux. Face au refus de purger ce fichier, l’OIF avait décidé, lundi, de claquer la porte ne s’estimant «pas en mesure» d’assurer sa mission.
Vendredi, c’est l’Union africaine qui renonçait à envoyer des observateurs. Enfin la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), l’organisation régionale, avait, elle aussi, tourné le dos à la Guinée, assurant que la «situation n’est pas exempte de tout risque».
Une pression nette de ces institutions, pourtant habituellement très peu portées sur la critique. Plus grave sans doute, mercredi, Yéro Baldé, ministre de l’Éducation mais surtout vieux compagnon de route d’Alpha Condé, son «fils politique», démissionnait son poste. Face aux rebuffades internationales et au risque de déliquescence de son entourage, Alpha Condé a donc choisi de faire profil bas.
Dans le fait ce report, s’il évite le pire, ne résout rien. On ignorait d’ailleurs sa durée qui oscille, selon les sources, de deux semaines à un très imprécis »court délais ». »S’il n’y a que deux semaines, cela ne servira à rien. Ce n’est pas avec si peu de temps que l’on pourra réviser la liste électorale », rappelle un diplomate. Cellou Dalein Diallo campait, samedi, sur ces positions, refusant toujours »la mascarade électorale ».
Selon une source proche de la présidence, »des négociations serrées vont s’ouvrir ». »Il faudra peut-être penser à une révision plus large du calendrier électoral ». Le report d’une autre élection, celle à laquelle chacun pense en Guinée, cette présidentielle prévue en novembre prochain, pourrait maintenant être envisagé.