Abdoulaziz Al-Hassan, ex-commissaire dans la police islamique de Tombouctou occupé, en 2012, est accusé de tortures, de viols et de persécutions.
Par Maurice Duteil
Il était ‘’l’âme pensante et agissante de la police islamique’’, lance la procureure Fatou Bensouda aux trois juges de la Cour pénale internationale (CPI) à l’ouverture du procès d’Abdoulaziz Al-Hassan, mardi 14 juillet.
Ce commissaire de la police islamique de Tombouctou lors de l’occupation du nord du Mali par des groupes djihadistes entre avril 2012 et janvier 2013 répond de »crimes contre l’humanité » et ‘’crimes de guerre’’ pour des tortures, des mariages forcés, la mise en esclavage sexuel, des viols, des persécutions et la destruction de bâtiments protégés.
Lorsque le président, le juge congolais Antoine Mindua, l’invite à dire s’il plaide coupable ou non coupable, l’accusé refuse. Ses avocates assurent qu’il ne comprend pas les charges et n’est pas apte à subir un procès. »Une tactique », balaient les magistrats après un court délibéré. Arrêté en avril 2017 par les soldats de »Barkhane » puis détenu par la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), les services de renseignement maliens, il aurait été torturé, avance Me Melinda Taylor, et souffrirait de traumatismes, selon un médecin. Mais les juges plancheront sur la question plus tard. Ils veulent commencer à tout prix ce procès planifié de longue date.
»Cette affaire n’est aucunement dirigée contre l’islam, elle n’est dirigée contre aucune religion ou système de droit ou de pensée », déclare Fatou Bensouda aux trois magistrats assis derrière une vitre de protection, Covid-19 oblige. Agé de 34 ans à l’époque des faits, le Touareg de la tribu Kel Ansar, vétérinaire devenu djihadiste, était, pour les groupes armés, »la bonne personne, à la bonne place, au bon moment », selon la procureure. Il permettait aux chefs d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) et d’Ansar Eddine d’avoir un ancrage dans la population.
A Tombouctou en 2012, c’est la population civile qui est ciblée. Dans cette guerre-là, on n’épure pas, on convertit. Et Abdoulaziz Al-Hassan était »au cœur du système répressif », selon l’accusation. C’est lui qui aurait organisé les patrouilles, fait exécuter les sentences, forcé des femmes à épouser des combattants.
A Tombouctou en 2012, les hommes doivent raccourcir leurs pantalons, les femmes couvrir leur corps. Passer à l’as alcool, football, musique et cigarettes. La ville est « tyrannisée, au quotidien, pendant dix mois », rappelle l’accusation.