La femme d’affaires Claudine Razaimamonjy vient d’être condamnée à dix ans de prison par les juges de la cour criminelle ordinaire du pôle anticorruption (PAC).
Par David B. Hauce
Encore un Noël en prison pour Claudine Razaimamonjy. Et ce n’est sans doute pas le dernier, puisque le feuilleton de corruption qui défraie la chronique malgache depuis 2016, a connu le 10 décembre un nouveau tournant avec la condamnation de la protagoniste centrale, Claudine Razaimamonjy, à dix ans de prison par les juges de la cour criminelle ordinaire du pôle anticorruption (PAC).
Sur la Grande Ile, cette histoire, qu’on appelle désormais « l’affaire Claudine » s’éternise depuis 2016. A l’époque, un rapport de trois inspecteurs généraux d’Etat, diffusé à la presse, révélait que 400 millions d’ariarys (98 400 euros) d’une subvention spéciale accordée par le ministre de l’intérieur, Olivier Mahafaly, avaient été détournés par ce dernier et Claudine Razaimamonjy lors de la réhabilitation d’un bâtiment public. L’affaire, qui s’était déroulée deux ans auparavant, contient tous les ingrédients d’un scandale politico-judiciaire.
A la tête de son entreprise de bâtiment et travaux publics, Claudine Razaimamonjy est une cheffe d’entreprise un peu particulière. Ou tout au moins le croit-elle, puisqu’elle se sent à l’époque protégée par son statut de »proche » du couple présidentiel d’alors et même de conseillère spéciale auprès du chef de l’Etat, Hery Rajaonarimampianina, à la tête de la Grande Ile de 2014 et 2018, bien qu’elle ne fasse pas partie des personnes nommées en conseil des ministres.
Forte de ce »pedigree », cette dernière s’affranchit de ses obligations citoyennes. En effet, »elle a été convoquée plusieurs fois par le Bureau indépendant anticorruption, le Bianco, mais ne s’est pas présentée à ses audiences, arguant sa qualité de “conseillère spéciale du président” , rappelle Sylvain Ranjahaly, le rédacteur en chef de L’Express, quotidien de l’île. Ce dernier précise d’ailleurs au passage que « l’opinion publique a très mal perçu le fait qu’elle soit protégée par la présidence ». Ceci expliquant peut-être cela, elle a été lâchée l’année d’après et interpellée en avril 2017 à la sortie du Palais des sports de Mahamasina, à Antananarivo, alors qu’elle assistait au match de basket de son équipe. Son arrestation manu militari avait fait la »une » des journaux, et le »buzz » sur les réseaux sociaux. Depuis, elle n’est pas ressortie de prison.
Si cette affaire mobilise autant l’opinion depuis trois ans, c’est »parce que c’est la première fois qu’un dossier de corruption à l’encontre d’une personne encore en fonction arrive en justice », observe Sylvain Ranjahaly. Et sans doute aussi parce que Claudine Razaimamonjy était l’une des principaux bailleurs du parti au pouvoir, le HVM. Les médias malgaches la surnommaient d’ailleurs »la baronne du HVM ». De plus, pour Juvence Ramasy, professeur de sciences politiques à l’université de Toamasina, « cette femme symbolisait l’“utilisation” de l’Etat pour faire fructifier ses entreprises et incarnait en plus une forme d’impunité ». Dans le sillage de sa chute, »le parti lui-même a été très fragilisé », ajoute l’universitaire, ainsi que l’équipe dirigeante qui se serait bien passée de cette mauvaise publicité. Mme Razaimamonjy »était en quelque sorte le “sponsor » du HVM puisque l’argent détourné servait à financer les activités du parti », complète Sylvain Ranjahaly.
»Il y a encore deux autres dossiers dans notre juridiction qui concernent des détournements de deniers publics », affirme le procureur du Pôle anticorruption. Si on peut voir écrits dans la presse les noms d’anciens dirigeants accolés à celui de Claudine Razaimamonjy, les instances anticorruption restent pour l’heure prudentes et c’est la Haute Cour de justice qui devra, selon la procédure légale, traiter de ces cas spécifiques.
Si l’’affaire Claudine » est parmi les plus suivies dans les médias, cette condamnation pour corruption n’est pas la première de ce début du mandat du président nouvellement élu, Andry Rajoelina. L’opérateur économique Eddy Maminirina a précédé Claudine Razaimamonjy derrière les barreaux, arrêté de façon spectaculaire en février et condamné début décembre par le Tribunal spécial pour le bois de rose à cinq ans de prison ferme et 2 milliards d’ariarys d’amende. En dépit de ces petits pas, Madagascar reste toujours classée 152e pays sur 180 à l’Indice de perception de la corruption de l’ONG Transparency International.