En Côte d’Ivoire, le Conseil constitutionnel a rendu son verdict: le président sortant Alassane Ouattara pourra briguer un nouveau mandat en octobre. Les candidatures de l’ex-chef d’État Laurent Gbagbo et de l’ancien président de l’Assemblée nationale Guillaume Soro ont en revanche été rejetées.
Par Maurice Duteil
Sur les 44 déclarations de candidature à l’élection présidentielle du 31 octobre reçues de la Commission électorale indépendante (CEI, la structure chargée d’organiser les élections), le Conseil constitutionnel en a finalement validé seulement quatre.
Les heureux élus, outre Alassane Ouattara, sont l’ancien Premier ministre (sous Laurent Gbagbo) Pascal Affi N’guessan, l’ancien Président Henri Konan Bédié et enfin l’ex-conseiller de ce dernier, le député Kouadio Konan Bertin (dissident du parti d’Henri Konan Bédié, qui se présente en indépendant).
Le 31 octobre, il n’y aura que quatre candidats à la présidentielle ivoirienne. Ainsi en a décidé, le Conseil constitutionnel de Côte d’Ivoire qui a validé lundi 14 septembre la candidature du président Alassane Ouattara à un troisième mandat controversé et a rejeté celles de l’ex-président Laurent Gbagbo et de l’ex-chef rebelle et ex-Premier ministre Guillaume Sorro, tous les deux ont été condamnés par la justice ivoirienne. Une mise à l’écart qui n’est pas vraiment une surprise pour les commentateurs et analystes. Mais à 47 jours de l’élection, cette nouvelle étape tend un peu plus le climat préélectoral.
Âgé de 75 ans, Laurent Gbagbo, qui ne s’est encore toujours pas prononcé publiquement sur sa candidature, est toujours en liberté conditionnelle en Belgique, dans l’attente d’un éventuel procès en appel devant la Cour pénale internationale (CPI), qui l’a acquitté en première instance de l’accusation de crimes contre l’humanité. Mais il est sous le coup d’une condamnation en janvier 2018 à 20 ans de prison par la justice ivoirienne pour l’affaire dite du « braquage de la BCEAO », la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest, lors de la crise de 2010-2011. En conséquence de cette condamnation, l’ex-président a été radié de la liste électorale sans compter qu’il n’a pas signé en personne sa déclaration de candidature ni renoncé à son statut de membre de droit du Conseil constitutionnel comme ancien chef d’État. Or la loi électorale est formelle : les membres du Conseil constitutionnel doivent démissionner six mois avant une élection pour pouvoir y candidater. Voici ce qu’ont expliqué les sages de la Cour constitutionnelle.
Quant à Guillaume Soro, il a été condamné en avril à 20 ans de prison pour recel de détournement de deniers publics donc également radié de la liste électorale. Cette fois, le Conseil constitutionnel s’est déclaré incompétent pour l’y réinscrire comme le demandaient pourtant ses avocats. « Je conteste vigoureusement la décision injuste et infondée prise par le Conseil constitutionnel. Je considère que c’est une décision inique, politiquement motivée, juridiquement boiteuse et qui s’inscrit dans une logique d’anéantissement de la démocratie et l’État de droit », a-t-il réagi sur Twitter et Facebook, alors qu’il avait été investi candidat à Abidjan samedi dernier en son absence.
»Le Conseil constitutionnel vient de cautionner, et cela sans surprise, la forfaiture et le parjure de M. Ouattara (…) Dans ces circonstances, j’annonce que nous engagerons une étape nouvelle de notre combat pour la démocratie dans notre pays. Elle sera âpre, mais nous la gagnerons sans aucun doute », a menacé Guillaume Soro, qui a promis de dévoiler ses intentions le 17 septembre lors d’une conférence de presse en France.
C’est bien la première fois que le jeu est aussi serré pour une élection de cette importance en Côte d’Ivoire. Au départ, il y avait tout de même 44 candidatures déposées à la commission électorale. Seules quatre d’entre elles ont passé le »cut » du Conseil constitutionnel. Le chef d’État sortant Ouattara, qui promet une victoire »un coup K.-O ». (au premier tour) aura donc comme adversaires son vieux rival, ancien allié et ancien président Henri Konan Bédié (1993-1999), Pascal Affi N’Guessan, ancien Premier ministre sous la présidence de Laurent Gbagbo, et l’ancien député Kouadio Konan Bertin, dissident du parti de M. Bédié.
La crainte de violences meurtrières à l’approche scrutin du 31 octobre et après les élections est forte, dix ans après la crise née de la présidentielle de 2010 qui avait fait 3 000 morts. Cette crise était née du refus du président Laurent Gbagbo de reconnaître sa défaite électorale face à Alassane Ouattara. L’annonce de la candidature de ce dernier avait dégénéré en violences ayant fait une quinzaine de morts en août. Élu en 2010, puis réélu en 2015, le président Alassane Ouattara, 78 ans, avait promis de passer la main. Mais il se représente pour un troisième mandat après le décès brutal de son dauphin désigné, le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly.
Le Conseil constitutionnel n’a pas suivi les requêtes de plusieurs opposants qui estimaient que le président Ouattara ne pouvait accomplir un troisième mandat, la constitution limitant le nombre de mandats à deux.
Le Conseil a souligné que le changement de constitution en 2016 n’était pas une »révision » et estimé que »la question de la possibilité ou non, pour le président de la République sortant de briguer un nouveau mandat doit s’analyser à l’aune de l’adoption d’une nouvelle Constitution ».