Le lucratif business tue au moins 100 000 personnes par an en Afrique et demeure largement impuni.
Par David B. Hauce
Vaccins, antirétroviraux, antipaludéens contrefaits : l’Afrique est devenue le terrain de jeu préféré des trafiquants de faux médicaments, un business lucratif qui fait des centaines de milliers de victimes.
Le chiffre d’affaires généré par la contrefaçon est estimé au minimum à 10 ou 15% du marché pharmaceutique mondial, soit 100 à 150 milliards de dollars, voire 200 milliards, selon une étude du World Economic Forum. Un chiffre qui a quasiment triplé en cinq ans.
Selon une étude, un médicament sur 10 dans le monde est une contrefaçon. Le professeur Marc Gentilini, spécialiste des maladies infectieuses et tropicales et ancien président de la Croix-Rouge française a expliqué: »Pour vendre des faux médicaments, il faut avoir une clientèle, or les malades pauvres sont plus nombreux sur le continent africain que partout ailleurs dans le monde ».
Pour le professeur Marc GentiliniSelon, des vaccins délivrés il y a quelques années contre une épidémie de méningite au Niger étaient des faux, alors que cette maladie tue plusieurs milliers de personnes chaque année dans ce pays pauvre du Sahel.
Un médicament sur 10 dans le monde est une contrefaçon, selon l’OMS. Mais ce chiffre peut atteindre 7 sur 10 dans certains pays, notamment en Afrique.
Cette foire aux faux médicaments est parfois le fait de responsables de santé publique corrompus, qui font leur marché au rabais en Chine et en Inde, où sont fabriqués l’essentiel de ces produits. Selon les chiffres officiels de l’OMS, au moins 100 000 personnes meurent chaque année en Afrique à cause de faux médicaments.
Marc Gentilini a déploré en disant ceci: »c’est un double crime sanitaire et social : le fait de tuer des malades et des malades pauvres »
A en croire à Geoffroy Bessaud, directeur de la coordination anticontrefaçon du groupe pharmaceutique français Sanofi, c’est un phénomène qui »prend de l’ampleur ».
»L’attractivité financière est en effet très forte et des organisations criminelles de toutes tailles sont impliquées dans ce trafic. Un investissement de 1 000 dollars peut rapporter jusqu’à 500 000 dollars alors que pour le même investissement, le trafic d’héroïne ou de fausse monnaie rapporte 20 000 dollars. Le trafic de faux médicaments est un des principaux fléaux du 21e siècle ».
Les criminels profitent du fait qu’à l’inverse du trafic de stupéfiants, le commerce de faux médicaments demeure largement impuni dans le monde, étant considéré comme un simple délit de violation de la propriété intellectuelle, alors qu’il est pourtant responsable de centaines de milliers de morts par an, déplore l’Institut international de recherche anticontrefaçon de médicaments (Iracm), basé à Paris, dans un rapport.
Face à un »drame universel », les spécialistes appellent à une mobilisation internationale. Le groupe Sanofi, en pointe dans la lutte, affirme avoir démantelé déjà, 27 laboratoires clandestins, dont 22 en Chine, en Indonésie, en Ukraine, en Pologne.
Mais les Etats pauvres n’ont eux pas les moyens suffisants pour s’attaquer réellement aux trafiquants de médicaments, qui innovent en permanence pour échapper aux contrôles.