Le Comité de haut niveau de l’Union africaine sur la Libye présidé par Denis Sassou-Nguesso a présenté aux différentes parties prenantes ses solutions.
Par Maurice Duteil
On ne le dira jamais assez. Le règlement de la question libyenne sans les Africains est une hérésie. Les responsables du continent le pensent et les faits leur donnent raison, à commencer par le péché originel de pays tiers, comme la France et la Grande-Bretagne, d »être intervenus dans la Libye de Kadhafi contre l’avis de l’Union africaine. Plus il y aura d’Afrique, plus le risque d’internationalisation sera limité avec son corollaire de conséquences inattendues et non souhaitées, à savoir l’installation d’une façon ou d’une autre de groupes terroristes dont la finalité est de contrôler des territoires dans la logique de la philosophie de l’État islamique ou d’Al-Qaïda.
C’est consciente de cette réalité qu’après la Russie, l’Allemagne et tout récemment l’Algérie, l’Union africaine a pris le taureau par les cornes pour divulguer son message et partager sa vision de la solution qu’elle préconise pour la question libyenne. À ce titre, elle a fortement réactivé son comité de haut niveau pour la Libye présidé par le chef de l’État congolais Denis Sassou-Nguesso pour en assurer la 8e réunion ce 30 janvier.
L’objectif de l’Union africaine a été de s’inscrire dans le sillon de ce qui a été avancé dans le communiqué même de la conférence récemment organisée à Berlin, en l’occurrence un forum de réconciliation. L’idée a été de convaincre les principaux protagonistes, Al-Sarraj, pour le gouvernement reconnu par l’ONU, et Haftar, pour l’autoproclamée Armée nationale de libération, à s’asseoir et à œuvrer dans ce sens. Jean-Claude Gakosso, ministre des Affaires étrangères du Congo, a qualifié la tâche de ‘’titanesque’’.
Il faut dire que, dans cet imbroglio libyen, si Al-Sarraj et Khaftar prennent plus la lumière, il y a d’autres acteurs concernés, à un chef ou à un autre, qui sont régulièrement tenus à l’écart. Il en est ainsi de la société civile et des collectivités locales libyennes qui font ce qu’elles peuvent pour faire entendre leurs voix. Il en est de même des pays voisins tels que le Niger, le Tchad et le Soudan qui souffrent aussi de la crise libyenne. ‘’Leur exclusion est étrange, voire insupportable, puisque personne ne peut ignorer le lien intime entre la crise dans le Sahel et la fragmentation de la Libye’’, a ajouté le chef de la diplomatie congolaise. Une exclusion contre laquelle le comité de haut niveau de l’Union africaine et aussi le président sud-africain Cyril Ramaphosa entendent agir pour remettre l’Afrique et son organisation d’intégration au cœur du processus menant à une solution de crise. De quoi remédier à ce péché originel qui a été de compter l’Union africaine comme quantité négligeable.
En tout cas, à l’issue de la réunion de Brazzaville de ce 30 janvier, une feuille de route a bel et bien été établie en vue de la tenue effective de ce ‘’forum de réconciliation nationale’’ appelé de tous les vœux. Après avoir constaté ‘’une dégradation de la situation qui nourrit les réseaux terroristes et déstabilise la sous-région’’, le Comité de l’Union africaine sur la Libye a rappelé l’attachement de l’Union africaine aux conclusions du sommet de Berlin du 19 janvier dernier où la place de l’Afrique avait été à nouveau reconnue et où il avait été mentionné que l’embargo sur les armes devait strictement être respecté.
Parallèlement, le comité a condamné toutes les ingérences étrangères dans le conflit et appelé à ‘’un cessez-le-feu complet et effectif’’ devant faire l’objet ‘’d’un mécanisme de surveillance dans lequel l’UA aura un rôle à jouer’’. Concernant la question humanitaire et les migrants africains détenus dans des centres en Libye, l’Union africaine s’est engagée à ‘’faciliter leur rapatriement dans leur pays d’origine’’. En finalité, pour favoriser un dialogue inclusif, entre Libyens donc, une commission va être mise en place au sein de l’UA pour préparer un ‘’forum de réconciliation nationale’’ auquel seront conviées toutes les parties prenantes de la question libyenne, à savoir la société civile peu entendue et écoutée, mais aussi les deux camps principaux qui s’affrontent, celui du gouvernement d’union nationale d’Al-Sarraj et celui de l’Armée nationale libyenne du général Haftar. Décidé à jouer un nouveau rôle sur la scène internationale, en l’occurrence sur la Libye, l’Algérie s’est proposée d’abriter ce forum.
Cela dit, la tâche de l’Union africaine est loin d’être aisée en raison du fait que beaucoup de signes illustrent que la situation devient de plus en plus compliquée. Ainsi de l’entrée en jeu de la Turquie de Recep Tayyip Erdogan aux côtés d’Al-Sarraj avec à la clé l’envoi de troupes, l’arrivée de combattants venus de Syrie, l’incapacité de la communauté internationale à empêcher les livraisons d’armes. Pour preuve, la Mission d’appui des Nations unies en Libye (Manul) en est réduite à ne faire que dénoncer les violations de l’embargo sur les armes.
Selon la Minul, ‘’les livraisons se sont poursuivies, au cours des dix derniers jours, en provenance d’États dont certains ont pourtant participé à la conférence de Berlin. Des avions ont atterri dans l’est et dans l’ouest du pays. Les deux camps, celui du maréchal Haftar et celui du Gouvernement d’union nationale, ont continué à voir arriver armes, munitions et combattants étrangers’’. ‘’Cela met en danger une trêve déjà fragile’’, indiquent les Nations unies.