Le système de la gestion de l’eau en France est « mafieux ». Jean-Luc Touly, homme politique et écrivain français, spécialiste de la corruption et de la gestion de l’eau n’est pas allé par quatre chemins. Il affirme que le marché de l’eau en France demeure opaque. Pour la plupart des habitants des plus grandes villes, la facture est souvent invisible, car noyée dans les charges collectives. Alors que le véritable prix du mètre cube d’eau est de 1,50 euro, Veolia fait payer aux abonnés 3,98 euro par m3. Allez-vous comprendre quelque chose ?
Deux semaines après la rupture du contrat de concession par l’Etat gabonais, Veolia est embourbée dans plusieurs dossiers au niveau de la justice française. Avec Jean-Luc Touly, un militant qui dénonce les pratiques occultes de la multinationale de l’eau pour obtenir les marchés publics, toute l’affaire devant la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris, est de savoir si les propos de Touly sont diffamatoires ou dits « de bonne foi ». Celui-ci s’évertue à montrer que le système de la gestion de l’eau en France est « mafieux » alors que son adversaire s’efforce de son côté de ridiculiser ses propos autant que ses témoins, quitte à user de mauvaise foi.
Veolia reproche à Jean-Luc Touly trois allégations : celle d’avoir reçu une offre d’1 M€ pour se taire, celle d’avoir été bombardé de procès en diffamation et de les avoir tous gagnés, et celles assimilant les multinationales de l’eau à un système corrompu et mafieux. Pour le faire taire et éviter un procès, un directeur de Véolia aurait proposé 1 million d’euros à Touly. « Je suis juge prud’homal, donc je connais les tarifs ! C’était un piège pour voir jusqu’où j’étais prêt à aller et, si j’acceptais, me discréditer. » Sous-entendu : pour un départ à l’amiable d’un syndicaliste ce n’est tout de même pas aussi généreux… Avant cela on lui aurait déjà proposé différentes promotions, dont une au centre de formation Veolia pour apprendre aux directeurs à répondre aux arguments des altermondialistes.
Dans une autre affaire avec une petite association qui a envoyé ses copies du film à des cinémas, plutôt qu’Arte, qui l’a diffusé à près de 2 millions de spectateurs. Ce qui a fâché le géant de l’eau c’est le documentaire « Water makes money ». La multinationale se plaint d’une atteinte à son image. Veolia ne choisit pas les passages les plus critiques mais sélectionne au scalpel les phrases qui lui semblent les plus difficiles à prouver – l’objectif étant évidemment d’obtenir une condamnation symbolique qui lui permettrait de communiquer au final sur le mode : « ce film est diffamatoire ».
Au Gabon, le groupe français menace d’engager toutes les actions judiciaires pour obtenir réparation de la spoliation, jusque et y compris (devant) le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi). Antoine Frérot, le PDG de Veolia s’est dit déterminé à ne pas baisser la garde. Il entend saisir les juridictions internationales pour obtenir réparation. Loin de se laisser défaire par la menace de son ancien partenaire, l’Etat gabonais a réaffirmé son intention de lancer un audit des comptes et de la gestion de la Société d’énergie et d’eau du Gabon (SEEG).
Régis Immongault rappelle qu’il est prévu de réaliser un audit, qui va clairement faire ressortir les situations. En sa qualité d’ancien ministre de l’Energie et des Ressources hydrauliques, il compte faire toute la lumière sur «l’utilisation des investissements réalisés par l’Etat» et sur les véritables dettes du Gabon vis-à-vis de Veolia, qui lui réclame «près de 62 millions d’euros» au titre de «la consommation de l’Etat».
«En 2009, l’Etat avait concédé une augmentation des tarifs à la SEEG, pour soutenir certains investissements précis. C’était une hausse de 15% supportée par les consommateurs», informe Régis Immongault. Le ministre de l’économie annonce que l’audit s’intéressera également à l’utilisation de cet argent par la société.
Willy Maixant