L’Unesco avait fait de l’Afrique sa priorité. Elle vient d’inscrire pas moins de huit traditions sur la liste du patrimoine culturel immatériel mondial.
Par David B. Hauce
En plein débat sur la restitution des œuvres culturelles africaines, l’Unesco accélère le tempo et fait jouer la convention de 2003 destinée à mettre en valeur le patrimoine ‘’immatériel’’ des pays. Une convention qui célèbre non plus le patrimoine matériel mais immatériel. Puisqu’il s’agit de mieux reconnaître la valeur des traditions orales, les pratiques sociales, des rituels, de l’artisanat traditionnel ou des connaissances intimes de la nature, indique le texte de l’organisation des Nations-Unies.
Réuni à Bogota, en Colombie, depuis le 9 décembre, le Comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel a fait le choix de mettre en lumière pas moins de cinq traditions africaines aussi divers que la musique gnaoua, la morna du Cap-Vert, deux célèbres genres musicaux. Mais aussi l’Épiphanie éthiopienne, appelé timkat et qui commémore le baptême de Jésus-Christ par Jean Baptiste. Il y a aussi le Kwagh-hir du Nigeria, une sorte de théâtre social.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, le comité vient par la même occasion de placer l’ensemble des connaissances, du savoir-faire, des traditions et des pratiques associés au palmier dattier – candidature inédite portée par 14 pays, dont cinq sont africains (Égypte, Mauritanie, Maroc, Tunisie et Soudan) dans sa liste. ‘’Le palmier dattier, les connaissances, les compétences, les traditions et les pratiques [qui y sont liés, NDLR] ont joué un rôle central pour renforcer les liens entre les gens et la terre des régions arabes, leur permettant de mieux affronter les défis de ce dur environnement désertique’’, a estimé l’Unesco dans un communiqué publié sur son site.
Mettre en évidence les spécificités et particularités culturelles du continent. Et ce n’est pas tout. Quelques jours avant, le 10 décembre, trois éléments du patrimoine culturel immatériel de la région ont été inscrits sur la liste de l’Unesco nécessitant une sauvegarde urgente.
Cette liste est composée de pratiques culturelles menacées notamment parce qu’elles risquent de ne pas être transmises à la génération suivante. Il s’agit des rituels et pratiques associés au sanctuaire Kit Mikayi, situés au Kenya et le Sega tambour Chagos, l’un des genres de musique séga de Maurice, originaire de l’archipel des Chagos. Comme d’autres ségas, il est né de l’esclavage et est chanté en créole chagossien.
Mais alors que les Chagossiens se sont efforcés de sauvegarder l’élément, ‘’il existe de nombreuses menaces à sa viabilité, notamment le décès des aînés, les jeunes se tournant vers d’autres genres musicaux et les déplacements entraînant une perte de mémoire’’, avertit l’Unesco.
À cela, le comité a ajouté le seperu du Botswana. Un art composé de rituels sacrés, de chant et danses qui rythment la vie des membres de la communauté veekuhane originaire d’Afrique du Nord et qui s’est installée au Botswana à la frontière avec la Nalibie. ‘’La région de l’Afrique de l’Est a participé activement à la mise en œuvre de la Convention du patrimoine culturel immatériel de l’Uesco’’, a déclaré Ann Therese Ndong-Jatta, directrice et représentante du Bureau régional de l’organisation pour l’Afrique de l’Est.
Plus qu’une simple reconnaissance, l’Unesco a placé l’Afrique en tête de ses priorités. Et l’implication de l’Afrique n’est plus à démontrer sur ce plan alors qu’elle a longtemps été exclue de la convention de l’Unesco sur la protection du patrimoine mondiale datant de 1972.