Deux motions de censure ont déjà été déposées contre ce recours à l’article 49.3 par le gouvernement d’Édouard Philippe, par la droite et la gauche.
Par Maurice Duteil
La manœuvre était attendue. Samedi 29 février, le Premier ministre Édouard Philippe a engagé devant l’Assemblée nationale la responsabilité du gouvernement pour faire adopter sans vote le projet de réforme des retraites, avec le recours à l’article 49.3 de la Constitution.
Au treizième jour d’échanges dans l’hémicycle, Édouard Philippe est monté à la tribune pour faire cette annonce surprise, afin de « mettre fin à cet épisode de non-débat » avec les oppositions et « permettre à la suite du processus législatif de s’engager », a-t-il déclaré sous les applaudissements de la majorité. « Passage en force », a lancé dans les couloirs de l’assemblée l’Insoumis François Ruffin, très remonté, qui a confirmé une motion de censure de gauche à venir. La droite pourrait en déposer une également, mais pas commune avec la gauche. Deux motions de censure, de la droite et de la gauche, avaient été déposées dans la foulée, samedi.
« Après plus de 115 heures de débat en séance publique, de jour comme de nuit, week-ends inclus, l’Assemblée nationale en est arrivée à l’examen de l’article 8 d’un projet de loi ordinaire qui en comporte 65 », a souligné le chef du gouvernement, qui a obtenu le feu vert pour un 49.3 en conseil des ministres à la mi-journée.
« Bien souvent, le recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution a été utilisé par des gouvernements obligés de faire face à l’hostilité de leur majorité sur un texte de loi ou sur une ligne politique », mais « ce n’est pas le cas aujourd’hui », a-t-il enchaîné. « Cette majorité, dont la diversité est une chance, s’est engagée lors des élections législatives de 2017 à créer un système universel de retraites, une des réformes les plus ambitieuses et les plus courageuses de ces dernières années. »
Édouard Philippe a précisé que le texte sur lequel le gouvernement engageait sa responsabilité n’était pas le projet de loi initial, mais un texte enrichi d’amendements en lien notamment avec les discussions parallèles avec les partenaires sociaux. Avec ce 49.3, « ce n’est pas une fin, c’est une étape », a assuré le Premier ministre ensuite sur TF1, où il était invité au journal de 20 heures. Il faut « qu’on puisse continuer à avancer », a aussi plaidé le secrétaire d’État aux Retraites Laurent Pietraszewski, présent tout de long.
Le Premier ministre a étrillé l’attitude des oppositions : « Je n’ai pas le sentiment que ce à quoi nous assistons soit ce que les Français – favorables ou non au projet de loi – attendent de leurs représentants », ni « que notre démocratie puisse se payer le luxe d’un tel spectacle », a-t-il estimé, alors que le coronavirus mobilise l’exécutif. « Ça n’a aucun lien » avec l’épidémie, a-t-il cependant affirmé plus tard. « Bien souvent, le recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution a été utilisé par des gouvernements obligés de faire face à l’hostilité de leur majorité sur un texte de loi ou sur une ligne politique », mais « ce n’est pas le cas aujourd’hui », a-t-il aussi relevé.
Dans la soirée, quelques centaines de personnes opposées à la réforme des retraites se sont rassemblées dans le calme à Paris près de l’Assemblée nationale pour dire « non au 49.3 », a constaté une journaliste de l’Agence France-Presse. Vers 22 heures, certains manifestants quittaient progressivement les lieux, par petits groupes, vers la place de la Concorde, filtrés par les forces de l’ordre sans qu’aucun incident n’ait eu lieu.