Aux côtés du président sortant Faure Gnassingbé, six autres postulants, aux profils divers, aspirent à la présidence du Togo. Nous invitons à mieux les connaître.
Par Maurice Duteil
Ils sont sept sur la ligne de départ. Ce 22 février 2020, les Togolais devront choisir qui parmi ces candidats – dont l’ancien chef de file de l’opposition et un ancien Premier ministre, mais sans le président du parti national panafricain Tikpi Atchadam – dirigera le pays pour cinq ans. Même si les financements publics qui leur étaient destinés ont tardé à arriver, les sept aspirants à la présidence ont battu campagne dans tout le pays deux ans après une grave crise politique. En 2017 et 2018, une contestation d’ampleur, durement réprimée, gagne le Togo.
Les 6 et 7 septembre, plus de 100 000 personnes marchent dans les rues de Lomé. Leur revendication ? L’abandon du projet de révision de Constitution, qui prévoit une limitation du nombre de mandats, à deux. Mais la réforme permet surtout au président Faure Gnassingbé de se représenter en 2020 et en 2025, les mandats passés et en cours n’étant pas pris en compte. C’est donc sans grande surprise que le chef d’État, au pouvoir depuis 15 ans, a soumis sa candidature cette année.
À 54 ans, Faur Ganassingbé présente sa candidature à l’élection présidentielle pour la quatrième fois. Lors de sa tournée dans les différentes localités du Togo, le président, régulièrement accusé de violations des droits de l’homme, a défendu son bilan. Et en premier lieu la situation sécuritaire du pays, relativement stable au regard des violences qui se sont multipliées ces dernières années en Afrique de l’Ouest. Il a également souligné les progrès effectués en matière d’infrastructures, appelé à l’établissement rapide du Sénat et des conseils régionaux et au développement industriel, dans les secteurs du coton et de l’alimentaire. Mais la pauvreté et la corruption persistantes – le Togo pointe à la 130e place sur 180 pays du classement Transparency International, en baisse par rapport à 2018 – desservent le chef de l’État.
Des failles sur lesquelles s’appuient ses adversaires, dont Jean-Pierre Fabre, 68 ans. Candidat malheureux en 2015, le président de l’Alliance nationale pour le changement (ANC) se présente donc au scrutin présidentiel pour la troisième fois. Depuis le boycott de l’ANC aux élections législatives de décembre 2018, son parti – qui a été membre de la coalition de plusieurs formations d’opposition, le C14, mais s’en est retiré depuis – n’est plus représenté à l’Assemblée nationale. Mais Jean-Pierre Fabre compte bien tester sa popularité ce samedi. Pour l’emporter, l’opposant historique à Faure Gnassingbé a bâti un programme à forte dominante économique. Hausse du budget alloué au secteur agricole de 2 à 10 %, construction d’une usine de production d’engrais à partir du phosphate font partie de ses propositions, aux côtés de la reconstruction d’un état de droit et de la réduction du train de vie de l’état notamment.
Si Jean-Pierre Fabre a toujours refusé d’intégrer, de près ou de loin, les arcanes du pouvoir (ce qui l’a d’ailleurs conduit à se séparer de l’ancienne figure historique de l’opposition Gilchrist Olympio, après que ce dernier a conclu un accord avec le pouvoir), Agbéyomé Kodjo, lui, a déjà officié sous les ors de la République.
Plusieurs fois ministres, et ancien Premier ministre de 2000 à 2002 sous Gnassingbé Eyadéma, l’ancien président de l’Assemblée nationale bascule dans l’opposition en 2008 et participe à l’élection présidentielle de 2010. Cette année, l’actuel président du groupe Afrique du Forum francophone des affaires, 66 ans, se présente sans étiquette, même s’il dirige le Mouvement patriotique pour la démocratie et le développement (MPDD), son parti. Dans son programme figurent la libération des détenus politiques et la création d’un code d’éthique pour les membres du gouvernement et de la Ceni. Agbéyomé Kodjo propose aussi l’établissement de la couverture maladie universelle et la revalorisation du smig.
Une mesure plébiscitée également par un de ses adversaires, Aimé Tchabouré Gogué, 73 ans. Ancien ministre du Plan et de l’Aménagement du territoire de 1991 à 1992, et de l’Éducation nationale les deux années suivantes, il se présente au scrutin présidentiel pour la seconde fois. Avec son parti l’Alliance pour la démocratie et le développement intégral (ADDI), membre de la C14 en 2017, Aimé Tchabouré Gogué défend des mesures exceptionnelles de libération de toutes les personnes arrêtées dans le cadre des manifestions de rue de ces dernières années. La réduction de la pression fiscale sur les petits contribuables, la lutte contre la corruption et la revalorisation des pensions de retraite font également partie de son programme.
Autre ancien candidat à la présidentielle, Mouhamed Tchassona-Traoré, 60 ans, président du Mouvement citoyen pour la démocratie et le développement (MCD). Ce notaire de profession, contributeur du rapport Doing Business de la Banque mondiale, a lui aussi participé à la coalition de l’opposition en 2017. Pour finalement s’en retirer, n’étant pas en faveur d’un recensement pour les législatives organisées la même année. Pour se faire élire, Mouhamed Tchassona-Traoré propose notamment aux Togolais une refonte du fichier électoral et un nouvel agencement institutionnel de la Ceni. Il souhaite aussi rendre obligatoire l’enseignement maternel et primaire jusqu’à 16 ans et promouvoir une politique d’intégration de la diaspora dans les stratégies de développement. Côté économie, ce membre de l’Organisation mondiale pour la paix compte faire de l’agriculture un secteur prioritaire, pour atteindre, à terme, l’autosuffisance alimentaire.
Aux côtés des habitués du pouvoir togolais concourent aussi des candidats moins expérimentés. Komi Wolou est en effet candidat à l’élection présidentielle pour la première fois. À 56 ans, ce docteur en droit est un habitué des débats sur les réformes constitutionnelles, auxquels il a participé lorsqu’il travaillait à la faculté de droit de l’université de Lomé, ou dans des institutions nationales et internationales. Pour convaincre les électeurs, le candidat du Pacte socialiste pour le renouveau (PSR) défend un programme axé sur des mesures sociales. Un accès totalement gratuit aux soins pour certaines personnes, la gratuité de l’enseignement public primaire et secondaire, et l’augmentation des salaires – de 5 % chaque année sur quatre ans – font partie de ses propositions. Côté économie, le candidat du PSR prévoit notamment des avantages fiscaux pour les entreprises qui recrutent.
Issu de la même génération que Komi Wolou, Georges-William Assiongbon Kouessan, 53 ans, aspire également à la présidence pour la première fois. Ce docteur en pharmacie crée son parti, Santé du peuple, en 2013 et participe la même année aux élections législatives. Mais le constat est amer : son mouvement n’obtient aucun siège à l’Assemblée nationale. En 2017, il participe tout de même à plusieurs coalitions de l’opposition, dont la C14.
Dans son programme, Georges-William Assiongbon Kouessan milite pour un mandat présidentiel raccourci à trois ans. L’extension progressive de la couverture maladie à toutes les couches de la population, la mobilisation de 500 milliards de francs CFA pour rénover le réseau routier, et une direction du pays tripartite, »opposition au pouvoir – ancien régime – armée » sont aussi proposées.