Le colonel Assimi Goïta a été investi hier lundi 7 juin 2021, nouveau président du Mali. Le chef de la junte s’est engagé à honorer les engagements pris en faveur d’une transition démocratique alors que ses partenaires internationaux marquent leur circonspection.
Par Maurice Duteil
Le colonel Assimi Goïta a été officiellement investi ce lundi président du Mali, deux semaines après le »coup d’Etat dans le coup d’Etat » qui l’a vu limoger le président et le Premier ministre. Ces derniers étaient la caution civile de la transition après que la junte dirigée par Assimi Goïta a renversé le président élu, Ibrahim Boubacar Keïta, dit »IBK », en août dernier.
L’officier de 37 ans, qui s’est fait déclarer la semaine dernière président de la transition par la Cour constitutionnelle, a déclaré dans son discours d’investiture qu’il voulait »rassurer les organisations sous-régionales, régionales et la communauté internationale en général que le Mali va honorer l’ensemble de ses engagements ». Et notamment organiser »des élections crédibles, justes, transparentes, aux échéances prévues », c’est-à-dire février 2022. Des engagements pris en septembre dernier sous la pression de la communauté internationale.
Si cette dernière n’avait critiqué que pour la forme le renversement du président IBK, tant ce dernier avait mené le pays dans une impasse politique, sociale et sécuritaire, elle a denoncé ce deuxième putsch en neuf mois et exigé un retour à un régime civil. Le colonel Goïta a nommé dans l’après-midi Premier ministre Choguel Kokalla Maïga, un vétéran de la politique issu des rangs du M5, le collectif d’opposants, de religieux et de membres de la société qui avait organisé des mois de contestations contre le président IBK l’été dernier.
Signe de leur circonspection, les ambassades occidentales ont envoyé à l’investiture de lundi un collaborateur plutôt qu’un ambassadeur. Ce qui constitue un »signal politique » mais n’est »ni un boycott, ni une sanction », selon un diplomate à Bamako. Pour marquer sa désapprobation après le coup d’Etat, la France a annoncé jeudi la fin des opérations militaires conjointes avec l’armée malienne. Un retrait des troupes françaises se profile de toute façon depuis début 2021 après huit ans d’engagement et sans perspective de victoire militaire définitive face aux djihadistes qui déstabilisent le nord de cet immense pays désertique.
La préoccupation de Paris porte peut-être moins sur les manquements à la démocratie de la junte que sur le projet qui lui est prêté de trouver un accord politique avec les djihadistes depuis des tractations, à l’automne dernier, lors de libérations d’otages. La junte a aussi discuté avec les ex-rebelles indépendantistes de l’Azawad (CMA), dans le nord, signataire d’un accord de paix en 2015. Après avoir exprimé des réticences, ses dirigeants se sont dits prêts à accompagner ce nouveau chapitre de la transition.
Le Mali est un pays crucial pour la stabilité du Sahel, région de 4 millions de km2 où sévissent des groupes djihadistes issus de la fin de la guerre civile algérienne en 1999. Leurs effectifs ne dépassent sans doute pas une dizaine de milliers de combattants, mais très mobiles et se fondant facilement dans le paysage. Ce conflit ensanglante surtout le Mali, le Niger, la Mauritanie, le Burkina Faso (qui a subi samedi l’attaque la plus meurtrière depuis 2015, avec au moins 160 morts), et le Tchad, mais peut concerner aussi le Sénégal, le nord du Nigeria, le sud de l’Algérie, le nord du Cameroun, le centre du Soudan et le sud de la Libye.
Une guerre d’une étendue et un nombre d’acteurs étatiques sans équivalent aujourd’hui dans le monde