Un rapport estime que le bénéfice financier d’une maîtrise planétaire de la pandémie de Covid-19 serait de 153 milliards de dollars en 2021 pour les dix principaux pays donateurs.
Par david B. Hauce
Coronavirus, confinements, masques et récession auront indubitablement été le lexique-phare de 2020. Puisse l’année prochaine tourner autour des mots vaccins et retour à la normalité. Mais si l’épidémie s’est vite transformée en pandémie, gagnant toutes les parties du globe, en ira-t-il de même avec les promesses d’immunisation ? Rien n’est moins sûr.
»L’Afrique sera la dernière servie », estime ainsi le docteur John Amuasi, spécialiste des maladies infectieuses au Centre de recherche collaborative en médecine tropicale de Kumasi, au Ghana. Une opinion largement partagée sur le continent le plus pauvre de la planète.
La course aux vaccins y apparaît semée d’obstacles alors que les pays les plus riches se sont empressés de sécuriser leurs propres doses. Selon une analyse publiée en Septembre par l’ONG Oxfam, même dans le cas où les cinq candidats-vaccins les plus avancés étaient efficaces, près des deux tiers (61 %) de la population mondiale n’y auront pas droit avant au moins 2022.
Un dispositif, l’« Accélérateur ACT », lancé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), est bien censé faciliter l’accès de tous aux outils de lutte contre le Covid-19. L’idée est que les Etats donateurs mettent au pot pour financer la distribution dans les pays les plus pauvres. Ils ont commencé à le faire, souvent à reculons, et les fonds manquent encore. Quelque 28 milliards de dollars, dont 4 à 5 milliards de toute urgence, alertent l’ONU et l’OMS.
Pour encourager la générosité internationale, certains pourront en appeler à la solidarité. Evoquer un « bien public global », un « vaccin des peuples », comme le fait le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres. D’autres argumenteront sur le terrain médical : une pandémie ne peut être vaincue que si son antidote est partagé par tous. Selon une étude recente d’un laboratoire de l’université Northeastern (Etats-Unis), si les pays riches se réservent les deux tiers des vaccins contre le Covid-19, les décès à travers le monde seront deux fois plus nombreux que si les doses sont équitablement réparties.
Mais pour être convaincant, sans doute faut-il abandonner le registre moral et aborder tout cela comme une affaire de gros sous. Autrement dit, en se montrant charitables au point de permettre une large diffusion du vaccin en Afrique et ailleurs, les riches bailleurs de fonds en auront pour leur argent. Dans le cas contraire, ils risquent d’y perdre. C’est ce qu’a tenté de démontrer le cabinet Eurasia Group dans un nouveau rapport, demandé par la Fondation Bill et Melinda Gates.