Répondant à la récente sortie du procureur de la République, au sujet des agressions et maltraitances à la prison centrale de Libreville, le barreau du Gabon par la voix de son batonnier Me Lubin Ntoutoum, a tenu ce mercredi 12 février 2020, à donner son analyse et son appréciation par un communiqué de presse dont nous vous donnons la teneur in extenso :
Par Obame D’EBOMANE
‘’Le Conseil de l’Ordre des Avocats du Barreau du Gabon s’est réuni en séance extraordinaire le lundi 10 février 2020 à la suite de la déclaration de presse de Monsieur le Procureur de la République en date du 07 février 2020 ; Au cours de cette déclaration, le Procureur de la République a annoncé que Madame le Ministre avait été saisie, par requêtes de quelques détenus préventifs, en dénonciation d’actes de tortures au sein de la Prison Centrale de Libreville sous la plume de leurs Conseils ; Qu’au regard de la gravité des faits allégués dans ces requêtes, s’ils se révélaient fondés, ‘’Madame le Ministre de la Justice, garante des Droits de l’Homme et particulièrement des droits des personnes incarcérées dans les établissements pénitenciers, aurait immédiatement instruit le Procureur de la République près le Tribunal de Première Instance de Libreville et les services de la Prison Centrale de faire procéder à des examens médicaux sur lesdits détenus afin d’établir l’exactitude des faits dénoncés et, le cas échéant, de diligenter une enquête approfondie pour identifier les auteurs et complices de tels actes’’, Qu’à l’issue d’examens médicaux et d’enquêtes qui auraient aussitôt été menés au sein de la détention, un rapport aurait été transmis à Madame le Ministre de la Justice.
Qu’il ressortirait de ce rapport que les faits dénoncés par les avocats des prévenus ne seraient pas formellement (?!) établis et que les événements décrits ne se seraient pas déroulés. Que ces constats seraient attestés par les résultats des examens médicaux qui auraient été pratiqués sur les victimes présumées, ainsi que par les témoignages qui auraient été recueillis auprès des intéressés eux-mêmes et des autres détenus.
Qu’il ajoute que « la Ministre de la Justice Garde des Sceaux mettrait fermement en garde toutes personnes y compris les avocats des personnes incarcérées quant aux dérives qui seraient observées et à la diffusion d’informations dites mensongères dans le but de créer l’émoi au sein de la population et de ternir l’image de la Justice et des services pénitentiaires »
Le Barreau du Gabon a été particulièrement choqué par de tels propos. C’est la raison pour laquelle il a immédiatement convoqué un Conseil de l’Ordre Extraordinaire pour entendre les Avocats concernés sur la conduite des procédures en dénonciation d’actes de tortures telles qu’elles ont été soumises au Garde des Sceaux.
L’audition des Avocats concernés indique que lesdites procédures ont été régulièrement menées auprès des autorités compétentes.
Dans ces conditions, le Barreau du Gabon tient tout d’abord à féliciter le Ministère de la Justice pour son engagement ferme ‘’à veiller à la sécurité et à l’intégrité physique de tous les détenus’’. Il rappelle ensuite que des propos tendant à qualifier publiquement de mensongers des procédures régulièrement engagées par des avocats sont purement et simplement inacceptables ; et que l’avocat ne saurait être assimilé ou confondu à la cause qu’il défend ; En quoi la saisine du Ministre de la Justice par des Avocats en vue de clarifier des faits portés à leur connaissance par leurs clients peut-elle être assimilée à ‘’la diffusion d’informations mensongères et à la volonté de ternir l’image de la justice’’ ?
Le Barreau souligne encore plus que l’Avocat ne saurait en aucun cas être inquiété et encore moins menacé dans l’exercice de ses fonctions ; Aucune menace, ni aucune pression ne seront suffisantes pour le censurer ou le neutraliser.
Le Conseil de l’Ordre relève également que les mesures qui ont été diligentées par le Ministère Public pour traiter des plaintes en dénonciation de tortures à savoir : examens médicaux, enquêtes au sein de la détention, audition des détenus concernés, rapport au Ministre de la Justice, n’ont pas été menées en présence de la défense.
Autrement dit, elles n’auront pas été conduites conformément au principe du contradictoire ; principe pourtant fondamental à même de garantir l’objectivité des conclusions auxquelles semble être parvenu le Ministère Public en un temps exceptionnellement Court.
Ce sont les raisons pour lesquelles le Barreau du Gabon – attaché à la protection des droits de la défense – recommande la communication aux parties concernées, y compris aux juges, de l’ensemble des mesures diligentées par le Parquet. Car comment peut-on poser des actes d’instruction en l’absence des juges sous la responsabilité desquels sont placés des détenus ? Le Barreau du Gabon réaffirme son attachement à la lutte pour la protection des Droits de la Défense.
Il ne gardera jamais le silence, ni ne se rendra complice de toute manoeuvre contraire à la loi. Au regard de tout ce qui précède, et compte tenu de la gravité et de la recrudescence des actes dénoncés, contraires à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, consacrée par la Constitution de la République gabonaise, le Barreau du Gabon demande l’ouverture d’une enquête complémentaire. A défaut, il envisagerait de suspendre la participation des Avocats aux sessions criminelles à venir.
Je vous remercie
Me Lubin Ntoutoume, Bâtonnier de l’ordre des Avocats du Gabon’’