L’événement parisien, parrainé par l’épouse du président ivoirien, s’ouvre dans un contexte de bras de fer entre les producteurs de cacao et les industriels.
Par Treisha Leyla
Le Salon du chocolat s’ouvre à Paris, ce mercredi 30 octobre 2019, dans un contexte de bras de fer exceptionnel entre les producteurs de cacao et les industriels. L’événement, qui a contribué à starifier une génération de maîtres chocolatiers et pâtissiers français, est parrainé par Dominique Ouattara, l’épouse du président de Côte d’Ivoire, premier pays producteur de cacao du monde. Le salon, vitrine du »luxe accessible » depuis sa première édition à Paris, en 1995, veut servir de trait d’union entre la gourmandise des consommateurs occidentaux et les petits planteurs, dont beaucoup vivent sous le seuil de pauvreté de 1,20 dollar par jour, selon la Banque mondiale.
Sylvie Douce, fondatrice et organisatrice du salon a indiqué que : Cette année, nous avons voulu mettre l’accent sur l’importance des pays producteurs de cacao, qui seront tous présents, de la Côte d’Ivoire à l’Indonésie en passant par le Ghana ou l’Amérique du Sud. Le fait d’inviter Mme Ouattara est symbolique, cela veut dire que les pays producteurs veulent exister et nous voulons montrer leur importance. Ce mercredi 30 octobre 2019, seront ainsi récompensés les meilleurs producteurs de l’année, ils recevront un ‘’International Cocoa Award’’ décerné par le salon, allié au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) et à l’ONG Biodiversity International.
Le salon s’ouvre dans un contexte exceptionnel de confrontation entre les deux premiers producteurs, la Côte d’Ivoire et le Ghana, qui représentent 60 % de la production mondiale de cacao, et les négociants de cacao et industriels mondiaux du chocolat, qui avaient tendance à garder la valeur ajoutée pour eux. En juin, ces deux pays ont suspendu plusieurs semaines la vente des récoltes 2020-2021 pour tenter d’imposer aux marchés et aux multinationales un prix minimum plus rémunérateur et moins lié à la volatilité des cours, qui ne soit pas en deçà de 2 600 dollars la tonne.
Après des semaines de pression, de nombreux géants du secteur, dont les groupes suisses Barry Callebaut et Nestlé, ont accepté de payer un différentiel de revenu décent (DRD, nom donné à un mécanisme de soutien aux planteurs) à la suite d’annonces faites lors d’une réunion de la Fondation mondiale du cacao à Berlin, la semaine dernière. Fatah Sadaoui, de l’ONG SumOfUs, qui soutient les petits producteurs relativise en disant que : Malgré cette hausse du prix plancher, les prix restent encore trop bas pour avoir un niveau de vie convenable en Côte d’Ivoire.
Cette ONG s’est félicitée d’avoir aussi obtenu le ralliement du négociant français Sucre et Denrées (SucDen) au principe de meilleure rémunération proposé par la Côte d’Ivoire et le Ghana. SucDen n’a pas confirmé l’information.
En Amérique latine, où le cacao est en général acheté un petit peu plus cher qu’en Afrique, l’initiative ouest-africaine est regardée avec beaucoup d’intérêt par les producteurs. Abel Fernandez, producteur de cacao en République dominicaine et dirigeant d’une coopérative en commerce équitable Fair Trade-Max Havelaar dans son analyse pense que, ce qui est en train de se passer est très intéressant et constitue un moment important, car il s’agit d’une tentative de rééquilibrage du pouvoir dans la filière.
En moyenne, en Afrique de l’Ouest, les producteurs de cacao reçoivent seulement 60 % du prix de base d’exportation, car les Etats appliquent une imposition élevée, alors qu’en Amérique latine, ils reçoivent de 80 % à 85 % du prix d’exportation. Mais nous regardons quand même de très près ce qui est en train de se développer en Afrique de l’Ouest, car cela peut nous amener à questionner les acheteurs pour obtenir nous aussi des prix plus élevés.