Lamine Diack l’ex président de la Fédération internationale d’athlétisme a été écroué ce mercredi 16 septembre 2020, à quatre ans de prison dont deux avec sursis et 500 000 euros d’amende pour corruption par la justice française. Les juges ont reconnu Lamine Diack, 87 ans, coupable de corruption passive pour le versement de pots-de-vin par des athlètes russes et pour le financement des campagnes sénégalaises par la Russie.
Par David B . Hauce
Le Sénégalais de 87 ans a été reconnu coupable de corruption active et passive et d’abus de confiance et a été condamné à une amende maximale de 500 000 euros. L’ancien président de la fédération internationale d’athlétisme (IAAF, 1999-2015) Lamine Diack a été condamné mercredi à Paris à quatre ans de prison, dont deux ans avec sursis, pour son implication dans un réseau de corruption destiné à cacher des cas de dopage en Russie. Ressorti libre à l’issue de la lecture du jugement, Lamine Diack a annoncé par la voix de son avocat qu’il ferait appel.
Parmi les six prévenus, tous reconnus coupables, la peine la plus lourde a été prononcée contre son fils, Papa Massata Diack, qui est resté à Dakar et avait refusé de comparaître au procès en juin : il a été condamné à cinq ans de prison ferme et un million d’euros d’amende et le tribunal a maintenu le mandat d’arrêt à son encontre.
Des peines de prison ont aussi été prononcées à l’encontre des autres protagonistes : 2 ans avec sursis et 140 000 euros d’amende pour l’ancien chef de l’antidopage à l’IAAF, Gabriel Dollé, et trois ans de prison dont deux avec sursis et 100 000 euros d’amende pour l’avocat Habib Cissé, qui conseillait Lamine Diack ; deux responsables russes jugés en leur absence, l’ancien président de la fédération nationale d’athlétisme Valentin Balakhnitchev et l’ancien entraîneur Alexeï Melnikov ont été condamnés respectivement à trois et deux ans de prison ferme, avec maintien du mandat d’arrêt à leur encontre.
L’ancien président de la Fédération internationale d’athlétisme et son fils de 55 ans, Papa Massata, qui dirigeait le marketing à l’IAAF, étaient jugés pour avoir permis de retarder, à partir de fin 2011, des procédures disciplinaires à l’encontre d’athlètes russes soupçonnés de dopage sanguin, dont certains avaient été sacrés aux JO de Londres 2012 (Kirdyapkin 50 km marche, Zaripova 3 000 m steeple) avant d’être déchus pour dopage. Derrière cette indulgence, un deal rocambolesque, révélé par Lamine Diack lui-même durant l’enquête : le renouvellement de contrats de sponsoring et de diffusion de l’IAAF avec la banque d’Etat russe VTB et la télévision publique RTR, ainsi que des fonds pour financer l’opposition au sortant Abdoulaye Wade lors de la présidentielle de 2012 au Sénégal. L’affaire a généré le scandale du système de dopage institutionnel en Russie, qui pourrait coûter au pays de Vladimir Poutine sa place aux JO 2020 l’été prochain.
Durant le procès, au milieu de réponses parfois décousues ou inaudibles, Lamine Diack avait mis en avant son bilan à l’IAAF, se présentant comme un leader ayant « universalisé » l’athlétisme et éludant les questions les plus sulfureuses. Certes, il a bien concédé avoir donné l’ordre d’étaler les sanctions contre les Russes (23 étaient soupçonnés). Mais pour eux, il en allait de la survie financière de l’IAAF. Pour le reste, Lamine Diack, qui avait été décoré au Kremlin fin 2011, a réfuté avoir touché des fonds du pouvoir russe pour financer la campagne au Sénégal, alors que durant l’enquête, il avait évoqué la somme d’1,5 million de dollars (1,2 million d’euros). Il a assuré qu’il ne s’était pas mêlé du travail de son fils.
En l’absence de trois des six prévenus, d’autres zones d’ombres n’ont pas été levées, notamment sur les sommes que des athlètes russes auraient payé pour échapper aux sanctions. La pièce centrale de l’accusation est un virement de 300 000 euros reçu par la marathonienne Liliya Shobukhova, depuis un compte lié à Papa Massata Diack, en guise de remboursement quand elle a finalement été suspendue en 2014. Une note, retrouvée chez l’avocat Habib Cissé, décline d’autres sommes, pour un total évalué à 3,45 millions d’euros, mais l’argent n’a pas été retrouvé et les athlètes russes pas entendus.
La famille Diack n’en a quand même pas fini avec la justice française. Le père, qui était aussi un membre influent du Comité international olympique (CIO), et le fils, sont mis en cause dans une seconde enquête à Paris sur des soupçons de corruption dans l’attribution des JO de Rio 2016 et de Tokyo 2020. Lamine Diack sera bientôt entendu dans ce dossier.