A quand la légalisation? Telle est l’interrogation qui turlupine les femmes depuis l’annonce d’un projet de loi sur la légalisation du mariage coutumier par les parlementaires. Les femmes continuent de porter haut ce plaidoyer et d’interpeller les autorités compétentes sur la résolution de cet épineux problème. IL y a urgence car bon nombre d’entre elles sont mariées à la coutume.
Par Franck Mohamed
La perte d’un conjoint est un événement dévastateur. Pour de nombreuses femmes dans le monde, en particulier dans les pays en développement, cette perte est amplifiée par un combat de longue haleine pour subvenir à leurs besoins fondamentaux, respecter leurs droits humains et leur dignité. Car, pour beaucoup d’entre elles, le statut de veuve devient un véritable calvaire, surtout pour celles qui sont mariées à la coutume.
A l’occasion de la célébration de la 10ème journée internationale de la veuve, la question de la légalisation du mariage coutumier se pose toujours avec acuité. Malgré les avancées sur le plan juridique observées sur les questions de droit successoral, plusieurs veuves dotées ou mariées à la coutume, sont toujours lésées lorsque leurs maris décèdent.
Cette union traditionnelle, bien que n’ayant pas un statut légal, reste la plus pratiquée dans la société gabonaise. Aussi, revêt-elle un caractère sacré pour les différentes communautés car, ce mariage est un héritage traditionnel depuis des millénaires. Ainsi, passer outre l’étape du mariage coutumier, revient à renier son identité culturelle voire, ses us et coutumes. De ce fait, les futurs époux doivent impérativement honorer leurs familles par l’organisation du mariage coutumier, avant de se rendre devant l’officier d’état civil.
Face à cela, plusieurs femmes vont se retrouver avec ce statut de femme dotée, avec toutes les considérations traditionnelles que cela implique. Cependant, sans une union légale devant le maire, ce mariage traditionnel est nul et de nul effet. Le législateur gabonais ne reconnait que le mariage civil. D’où l’importance de légaliser le mariage coutumier voire, le mariage religieux.
Tant que le mariage coutumier n’est pas légalisé après le décès de l’homme, la femme n’a aucun droit. Dans la société, des cas de spoliation de la veuve et de l’orphelin sont légions. Ce, malgré le nombre d’années mis ensemble. Au regard de la récurrence de ces faits blâmables, le législateur, pour protéger ces deux personnes sensibles et fragiles (la veuve et l’orphelin) devrait accélérer la légalisation dudit mariage.
Dans un exposé des motifs parvenu en 2019 lors de son audition par ses collègues, le sénateur Ernest Ndassiguikoula, initiateur de la proposition de loi, avait décliné ce qui suit : ‘’La fréquence très élevée des célébrations de mariages coutumiers ou civils dans notre pays, témoigne de l’intérêt que les Gabonais lui accordent aujourd’hui. L’Adhésion massive des compatriotes au mariage coutumier oblige le législateur à lui offrir un cadre légal à présent. Cette évolution régulera l’activité sexuelle conjugale qui doit être mutuellement consentante, hors de tout esprit de domination et d’extrême soumission. C’est donc une forme de progression du statut des conjoints vis-à-vis de la société dans son ensemble, et particulièrement de l’administration. L’épouse ne se sentira pas prisonnière par le fait de la dot disproportionnée ou par le fait d’un divorce à moitié consommé’’.
Plusieurs pays africains sont déjà des exemples à suivre dans ce processus. D’ailleurs, une célèbre citation française nous rappelle que »La culture c’est ce qui nous reste lorsqu’on a tout perdu ». Il serait judicieux que le Gabon valorise sa culture en redonnant au mariage coutumier ses lettres de noblesse. Cela va conférer à la femme dotée, les mêmes droits que celle qui est mariée à l’état civil, et jouir de la même considération sur le plan légal.