Le Gabon à l’instar des pays de la sous-région et au-delà traverse une crise sanitaire sans précédent liée à la pandémie de la Covid19. Cette crise du Coronavirus a structurellement bouleversé le mode et le genre de vie des populations.
Par Stevee ESSIMA NDOUTOUME/ Diplômé en Philosophie et Société, Consultant Politique
Sur le plan social, elle a entrainé une paupérisation plus accrue des couches sociales les plus vulnérables en accentuant davantage les inégalités. Sur le plan économique, elle a déstructuré le modèle économique de consommation de masse avec les mesures de restriction qui y ont été associées, dégradant pour ainsi dire tous les agrégats macroéconomiques.
Aussi, les populations sont davantage confrontées à des difficultés de tous genres. S’agissant du social, le chômage devient de plus en plus endémique, contribuant à appauvrir cruellement les économiquement faibles. Au niveau de l’économie, il ne serait pas dramatique d’emprunter l’expression de l’écrivain Chinua Achebe, « le monde s’effondre », c’est-à-dire une croissance en baisse, un avenir incertain et assombri, une psychose économique qui ne favorise pas l’investissement.
Concernant la politique, c’est le désenchantement total dû à l’absence de leadership des grandes puissances qui se sont révélées très vulnérables. On observe pour le regretter un regain du protectionnisme économique, une lutte idéologique exacerbée et une course au vaccin détournée a priori d’une mission noble de sauver l’humanité au détriment des conquêtes hégémoniques et économiques. Face à ce désenchantement, le multilatéralisme qui a émergé au lendemain de la seconde guerre mondiale s’essouffle au pire se désagrège.
Chaque Etat abandonné à son propre sort se bat à résister au mieux aux désastres, notamment les Etats d’Afrique subsaharienne, tels que le Gabon, qui peut se satisfaire des mesures de prévention et de riposte prises très tôt pour freiner la propagation du Coronavirus. Cette forte réactivité des autorités gabonaises justifie aujourd’hui le faible taux de contamination par rapport aux pays de la sous-région, même si on peut regretter une petite tendance haussière due à une légère vague de contamination depuis près de quatre (4) à six (6) semaines. C’est l’occasion de saluer la stratégie de riposte impulsée par les plus hautes autorités à travers la batterie des mesures sociales, économiques et sanitaires opportunes.
Au soir de l’année 2020, fortement impactée par cette crise sanitaire aux conséquences économiques désastreuses, il convient de se projeter pour l’année 2021 qui sera marquée par la quête de la relance économique. Autrement dit, le processus de la crise s’établit ainsi qu’il suit : l’avènement de l’épidémie, la période d’incubation du virus, le temps de la riposte à travers les mesures sociales, économiques, sanitaires et politiques, la stratégie de résilience économique et le plan de relance. Pour les Etats et pour les peuples, 2021 devra être l’année de la relance économique.
Pour ce faire, nous proposons modestement pour le Gabon que les décideurs reviennent aux fondamentaux en matière des politiques de relance économique. Dans le cadre de cette tribune libre, nous reposerons notre analyse sur la théorie keynésienne de relance économique, selon laquelle le Gouvernement pourrait efficacement relancer l’économie par des dépenses publiques supplémentaires qui permettraient de passer d’un équilibre sous optimal (faible demande, faible offre, chômage et sous-utilisation du capital, moral en berne conduisant à des anticipations négatives) à un équilibre plus satisfaisant (plein-emploi, demande et offre plus forte, anticipation positive restaurant la croissance). En somme, pour John Maynard Keynes, la relance économique repose essentiellement sur trois outils fondamentaux, à savoir les outils budgétaires, monétaires ou réglementaires.
En ce qui concerne l’outil budgétaire, il s’agira pour le Gouvernement d’augmenter la demande interne, en augmentant les dépenses de l’Etat par les grands travaux de construction et d’investissement ou en augmentant les revenus disponibles des agents par la baisse des impôts ou la hausse des prestations sociales. Pour ce qui nous concerne, la hausse des prestations sociales nous paraît plus opportune dans le contexte gabonais. Au sujet de l’outil réglementaire, il s’agira pour le gouvernement d’utiliser son pouvoir réglementaire pour garantir aux économiquement faibles des prestations sociales telles que les différentes allocations qui augmenteront le pouvoir d’achat des ménages et inciteront à la consommation de masse.
Pour le cas de l’outil monétaire, il s’agira pour les pouvoirs publics, à travers la banque centrale d’augmenter l’offre de monnaie par, entre autres une baisse de son taux directeur. Une telle baisse encouragera la demande de crédits par les ménages et les entreprises, et donc stimulera l’activité économique. Cette démarche implique deux effets, à savoir l’effet de la compétitivité-prix qui passe par la diminution du taux de rendement des actifs libellés en la devise nationale, entraînant une baisse de la demande pour ces actifs et l’effet volume qui est une hausse des exportations conjuguée à une baisse des importations.
En définitive, la crise sanitaire du Coronavirus doit être l’occasion pour le gouvernement d’intensifier sa politique de diversification économique en optimisant toutes les niches de croissance nécessaires. Le Président de la République Chef de l’Etat a défini le cadre, il convient au gouvernement de se saisir de cette conjoncture économique pour affiner le déploiement de la vision de développement du Président de la République. Pour cela, il faut affirmer le postulat de l’Etat providentiel c’est-à-dire le rôle historique d’intervention de l’Etat à réguler l’économie et susciter la croissance dans des périodes de conjoncture difficile.