Depuis le début de l’année, 44 000 feux ont été comptabilisés dans la forêt amazonienne, perturbant à long terme son rôle dans le cycle de l’eau et dans la régulation du stock de carbone. Les flammes détruisent de vastes surfaces de forêt en Amérique du Sud, alors que l’Amazonie est souvent désignée comme le »poumon de la planète ».
Par David B. Hauce
‘’Notre maison brûle et nous regardons ailleurs’’. Ces propos de Jacques Chirac lors du Sommet de la Terre le 2 septembre 2002 sont plus que jamais d’actualité en ce mois d’août 2019, concernant spécifiquement l’Amazonie. Depuis plusieurs semaines, de gigantesques feux de forêt ravagent le nord de l’Amérique du Sud, sans que cela ne provoque encore de très fortes réactions de ce côté de l’Atlantique.
Et pas seulement dans la zone concernée. Car de tels incendies dans cette région, souvent surnommée le ‘’poumon de la planète’’, ne sont pas sans conséquences sur l’environnement de toute la Terre.
D’une part, ces incendies entraînent un dégagement immédiat très important de dioxyde de carbone (CO2). Il est pour l’instant compliqué d’établir la superficie précise des surfaces d’arbres parties en fumée ces dernières semaines dans cette vaste zone (environ 550 millions d’hectares) englobant une partie du Brésil et des pays limitrophes. Mais on sait que les régions concernées sont surtout celles occupées intégralement ou en grande partie par la forêt amazonienne. Et le nombre de départs de feux depuis le début de l’année au Brésil est en hausse de 83 % par rapport à… toute l’année 2018.
Il faut noter que pour 100 hectares qui brûlent, c’est l’équivalent des émissions annuelles d’une petite ville.Ce sont certainement des centaines, voire des milliers d’hectares d’arbres qui ont brûlé ces dernières semaines. Et en Amazonie, Jean-Pierre Wigneron, chercheur à l’Inra souligne que : Il y a 300 ou 400 tonnes de biomasse [la matière végétale qui absorbe le carbone, NDLR] par hectare, soit l’équivalent de 150 tonnes à 200 tonnes de carbone par hectare.
Les forêts tropicales ont ceci de particulier qu’elles contiennent beaucoup de carbone, bien plus que les forêts tempérées, complète Philippe Ciais, chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement.
Une tonne de carbone, soit deux tonnes d’arbres, entraîne l’émission dans l’air de 3,66 tonnes de CO2. Le calcul est simple : une tonne d’arbre qui part en fumée, et ce sont aussitôt presque deux tonnes de CO2 qui s’évaporent. Du coup, 100 hectares de forêt amazonienne qui brûlent, cela entraîne au minimum 15 000 tonnes de carbone rejetées dans l’atmosphère. Philippe Ciais illustre en disant ceci : L’équivalent des émissions annuelles d’une petite ville comme Palaiseau ou Orsay, qui a contribué à différents travaux du Giec.
D’autre part, tous ces arbres qui disparaissent en Amazonie ne pourront plus assurer leur rôle de capteur de CO2. Jean-Pierre Wigneron mentionne que : Tout va dépendre de la taille des surfaces parties en fumées. Les images satellites ne peuvent pas encore le montrer à cause des fumées. On considère que la moitié du dioxyde de carbone va dans l’atmosphère, un quart va dans l’océan, et un quart est stocké par la biomasse. Autant de gaz qui devra être absorbé ailleurs si les forêts ne peuvent plus assumer ce rôle.
Une étude scientifique parue dans la revue Nature le 29 juillet dernier avait déjà établi que les forêts tropicales étaient devenues neutres en émission de carbone. En clair, à cause de la déforestation et des températures de plus en plus élevées année après année, les arbres ne sont plus en mesure de capter autant de CO2 qu’autrefois.