Les deux tours des législatives 2018 couplées aux locales viennent de s’achever en beauté le 27 octobre dernier avec des fortunes diverses. Une époque s’en va, une autre s’en vient !
Moment idéal, s’il en fallait, pour tenter d’évaluer le parcours de la démocratie gabonaise, 28 ans après le retour au multipartisme intervenu en avril 1990 à la faveur de la conférence nationale souveraine.
Quel état des lieux peut-on en dresser et que peut-on en dire en termes de bilan en presque trois décennies ?
Procédons par étape. D’abord plus proche de nous dans le temps, le souvenir des scrutins législatifs couplés aux locales organisés en octobre dernier garde encore toute sa fraîcheur.
En un comme en mille mots, les législatives et les locales se sont déroulées dans un climat apaisé. L’on a pu noter, reconnaissent nombre d’observateurs, que contrairement au climat de tensions ayant prévalu en amont et en aval de la présidentielle de 2016, l’ambiance lors de ces législatives était conviviale et empreinte de courtoisie aussi bien entre les candidats que chez leurs différents partisans.
L’apaisement était au rendez-vous
C’est qui est un bon signe dans une Afrique qui nous a souvent habitués aux scénarii apocalyptiques au terme de la moindre joute électorale.
Preuve que, malgré un taux d’abstention estimé à 41,37%, -là, c’est un autre débat-, des nombreux acteurs politiques ainsi que ceux de la société civile s’accordent à reconnaitre que bon an mal an, la démocratie gabonaise poursuit son bonhomme de chemin.
A un autre niveau, en dépit de quelques sons discordants venant de l’opposition dont une partie non moins représentative a prêché le boycott, il y a lieu de reconnaitre que la majorité a su intégrer que finalement le vote reste la sève primordiale qui alimente le renouvellement de la classe politique dans tout système démocratique, compris au Gabon.
Le vote est la sève de toute démocratie
Et les 143 députés qui arpenteront bientôt les travées de l’Assemblée nationale n’y auront pas échappé.
Pour l’heure, à l’issue du 2ème tour, les tendances déjà observées au premier tour le 6 octobre dernier n’ont fait que se confirmer le samedi 27 octobre dernier.
Il en ressort un PDG conforté dans sa position dominante, Les Démocrates qui se taille la place de première force de l’opposition, l’attelage RHM/Un qui sauve juste l’honneur. Pareil pour Démocratie nouvelle (DN) à Bitam ou le CLR à Libreville qui n’ont pas pu faire mieux. Par contre, on a assisté à l’éclosion sur le paysage politique des nouvelles forces, RV et les SDG, avec qui il faut désormais compter.
Les Indépendants pour leur part enregistrent une belle percée alors que certaines personnalités politiques majeures trébuchent. Le tout marqué, qu’il s’agisse du premier ou du deuxième tour, par un fort taux de participation très faible.
L’on peut tout dire, ce tableau peint en lui-même de façon remarquable les vicissitudes d’une démocratie qui est en mouvement et qui est prompt à franchir des nouveaux paliers.
Le PDG ragaillardi par l’or jeune
Si l’on scrute les choses par composantes, au regard de l’actuelle donne, c’est sans doute au sein du PDG au pouvoir que les lignes les plus visibles de la vigueur de la démocratie gabonaise semblent se dessiner avec la plus grande netteté. Nul ou rien ne saurait l’occulter.
Sorti très fragilisé de l’élection présidentielle d’août 2016, le parti a initié une mue interne qui a abouti à réduire progressivement l’influence de potentats pour ouvrir la voie au rajeunissement du parti.
C’est ce qu’on a appelé la revitalisation et la régénération. Avec l’injection au sein du parti des nouvelles énergies apportées par des jeunes loups, on note en toute objectivité que le Parti démocratique gabonais se porte mieux. L’on parlerait même d’une stratégie payante au-delà des résultats escomptés !
Une embellie qui se prolonge et se fait sentir dans l’architecture administrative où les jeunes cadres impactent de plus en plus la vie des populations à l’aide des pratiques innovantes étayées par le changement de paradigmes.
A ce qui semble, c’est vraisemblablement sur ce point que tout s’est joué. C’est sans nul doute, le vent de la revitalisation et la régénération adossé aux courageuses réformes économiques engagées par l’Exécutif qui vient de peser dans la balance pour expliquer le raz-de-marée du PDG aux législatives couplées aux locales.
Stratégie gagnante
Autre lecture des résultats de ces législatives et locales, l’on évoquerait la maturité du peuple gabonais. Qui, il faut en convenir, commence à mieux appréhender le discours politique.
Jadis emprisonnées dans les cavernes de l’ignorance entretenue par la démagogie, la mesquinerie des potentats arc-boutés sur leurs apanages, aujourd’hui plus qu’hier, les populations sont illuminées par une conscience nouvelle de la res publica.
C’est d’une limpide évidence ! De nos jours, les Gabonais savent discerner. Edifiés sont-ils que c’est dans les projets concrets et l’offre politique ou sociale alléchante que se cristallisent leurs intérêts et non dans des discours vaseux teintés de haine et de l’invective.
Du coup, face à une population à forte démographie jeune et davantage instruite, se font élire uniquement les acteurs qui proposent des axes susceptibles de lui assurer un avenir riche en promesses et non les démons qui se cachent en habits d’anges à coup d’arguments ad hominem.
Les projets, l’offre politique plus que jamais déterminants
Si ce n’était pas le cas, à Bitam par exemple où le discours ambiant consiste à ergoter sur le fait ou non que la population n’aime pas le chef de l’Etat, le jeune Tony Ondo Mba ne se serait jamais fait élire dès le premier tour au siège unique de la commune.
Pareil qu’au 1er siège du 4ème arrondissement dans la commune de Libreville où le tombeur du leader du RHM, Séverin Pierre Ndong Ekomi, a déjoué tous les pronostics sur fond d’une offre politique alléchante pour les jeunes et les femmes.
Voilà des preuves, et l’on peut en citer par kyrielle, qui prouvent à suffisance que la démocratie gabonaise bouge, qu’elle se vivifie au fil de temps et surtout qu’elle est en pleine recomposition de l’ensemble du landerneau politique national.
Sur tout un autre plan, par le passé, on parlait de la Commission électorale nationale indépendante (Céni), puis on est passé par la Commission électorale nationale permanente (Cénap), aujourd’hui c’est le Centre gabonais des élections (CGE).
Relever les défis contre l’abstention
Derrière ce changement d’époque se cache une seule volonté, celle de parfaire le fonctionnement de l’organe en charge des élections dans le pays.
En outre, à la faveur des Accords politiques d’Agondje, ce n’est plus devant la Cour constitutionnelle que se règlent les contentieux électoraux, mais plutôt devant le tribunal administratif.
Autant d’avatars qui participent de la volonté des acteurs politiques gabonais à construire une société prospère dans la cohésion de ses fils et filles, unis par un destin commun.
S’il est admis qu’il revient à chaque peuple de se frayer son propre chemin, aucun gabonais ne peut rougir du parcours et de l’évolution de sa démocratie depuis 1990 à nos jours. Les avancées sont certes légion, mais pas suffisantes.
Rencontrer les attentes des populations
A l’exemple de toute société humaine, c’est dans ses propres entrailles qu’elle devrait puiser les forces de se projeter pour s’enraciner davantage.
Pour que la démocratie gabonaise soit véritablement « le principal gagnant», il lui reste un chantier majeur parmi tant d’autres à entamer.
Celui-ci se pose en termes d’un défi qui consiste à décrypter le véritable message qui se cache dans son faible taux de participation (41,37% d’abstention) à chaque joute électorale et surtout comment faire pour rétablir l’idylle entre les acteurs politiques et les populations dont la satisfaction des attentes s’impose comme le principal leitmotiv.