Pour expliquer et comprendre les tenants et les aboutissants de la politique, il suffit parfois de scruter et faire une plongée dans l’univers des stratégies. De quoi mieux appréhender et jeter une lumière sur l’issue des législatives 2018 sous le prisme d’une stratégie payante, celle du PDG, et d’une stratégie ambigüe (pour ne pas dire une absence de stratégie), côté opposition.
Après la déculottée essuyée par l’opposition gabonaise aux législatives 2018 dont le 2ème tour vient de s’achever le samedi 27 octobre dernier, d’aucuns se posent la question de savoir ce qui reste de Jean Ping qui, il y a deux ans de cela, semblait être sur un nuage en cristallisant la force de l’opposition autour de sa personne.
Qui ignore que les ténors de l’opposition souhaitaient prendre leur revanche sur la présidentielle de 2016 avec les législatives des 6 et 27 octobre ?
Qui ignore qu’ils caressaient le rêve de mettre Ali Bongo Ondimba à genou et en minorité à l’Assemblée nationale pour lui imposer une cohabitation et lui rendre endolories les cinq années restantes de son second mandat ?
Depuis le 11 octobre dernier, jour de la publication des résultats du premier tour, tous le savaient, les dés étaient pipés, le PDG au pouvoir s’étant déjà taillé la part du lion à cette occasion.
Position dominante qui n’a fait que se confirmer au terme du 2ème tour le samedi 27 octobre dernier.
Les opposants gabonais se sont donc réveillés avec la gueule de bois. Vraiment la bérézina, car toute honte bue, ils savent que les Gabonais ne les ont pas du tout suivi dans leurs discours style « tourniquet » qui n’évolue pas depuis deux ans.
A qui la faute et comment en est-on arrivé là, presqu’à la case départ ? Où est passé Jean Ping lui qui, pas plus tard que 2016, s’est fait passer pour le Moïse qui sortirait le Gabon de son ornière, lui qui avait le sésame ?
Sans langue de bois, posons-nous la bonne et seule question qui vaille. Jean Ping n’aurait-il pas précipité la déconfiture de l’opposition ?
La réponse vient de son propre camp. « En 2016, notre union avait mobilisé les électeurs. Pourquoi n’avoir pas continué », s’est récemment interrogée Chantal Myboto, la trésorière adjointe de l’Union nationale, dans les colonnes de Jeune Afrique.
« Coupé des partis l’ayant soutenu en 2016, Ping s’appuie sur quelques partisans, comme Jean Eyeghé Ndong et Jean François Ntoutoume Emane, et croit toujours, depuis sa résidence de Libreville, où il passe le plus clair de son temps, à la victoire finale. Mais pour combien de temps ? », se préoccupe-t-on dans les mêmes colonnes de Jeune Afrique.
Les comptes pour les uns, les mécomptes pour les autres
Par rapport à la désillusion de l’opposition qui se retrouve complètement laminée et déboussolée, la salve de critiques au vitriol ne tarit pas contre Jean Ping.
« Nous avons passé trop de temps à essayer d’obtenir le soutien de Jean Ping, qui a finalement privilégié le boycott », se lamente un cadre de l’opposition.
« On avait l’idée d’imposer les législatives comme une deuxième manche de la présidentielle, mais notre candidat de 2016 ne nous a pas soutenus. Personne n’a compris sa stratégie, et cela a brouillé le message », épingle un autre détracteur de Jean Ping.
Si côté opposition, la stratégie de l’ambiguïté (ou plutôt l’absence d’une stratégie) s’est révélée foireuse, il n’en est pas de même du côté du pouvoir où la stratégie réfléchie et cohérente mise en place vient de se révéler payante.
« Pour les législatives, le chef de l’Etat n’a pas cherché à se poser en chef de la majorité. Pas question de donner à l’opposition l’occasion de transformer ce scrutin en vote sanction. Il a fait le choix du retrait et de la patience », se réjouit-on.
Le dynamique de l’opposition a été sapée et s’est naturellement essoufflée. « Ces deux années ont isolé Jean Ping et enfermé l’opposition dans une stratégie conçue pour 2016 », confie un partisan du pouvoir très satisfait du dénouement de cette rivalité politique qui n’a que trop duré.
Pour l’heure, il apparait clairement que l’opposition est plus proche de la débandade mêlée au désarroi. C’est donc un retour à la case départ. L’année zéro pour l’opposition. Du coup, 2023 ne s’annonce pas sous des bons auspices.
Moralité, si la dimension d’un leader se mesure à sa capacité de mener les autres vers un destin commun, osons admettre qu’en étant le principal artisan de la stratégie payante prisée par son parti, le PDG qui s’en tire à bons comptes, Ali Bongo Ondimba a gagné son pari avec maestria.
A contrario, avec les mécomptes essuyés par l’opposition, il n’y a pas de honte dans le cas d’espèce d’accepter que Jean Ping qui a lamentablement montré ses limites ne mérite plus de figurer sur la liste des acteurs politiques sur qui un peuple attaché à son destin pourrait encore compter.
C’est donc dans cette configuration que s’ouvre le chemin qui mène vers le cap de 2023. A chacun d’en tirer ses propres conclusions !