Trois chefs d’accusation: corruption passive, financement illégal de campagne électorale et recel de détournement de fonds publics libyens. L’ancien président français qui nie les faits qui lui sont reprochés, est mis en examen, accompagné d’un placement sous contrôle judiciaire, Nicolas Sarkozy risque jusqu’à dix ans de prison s’il est condamné.
Parmi les trois chefs d’accusation, le plus lourd est celui de corruption passive. Soit le fait de recevoir des fonds de la part de quelqu’un qui cherche par ce biais à corrompre pour en tirer un quelconque avantage. Etre l’auteur de corruption passive (article 432-11 du Code pénal français), c’est être non pas celui qui va demander, mais celui qui reçoit de l’argent, des avantages, en échange d’autre chose. La peine encourue est la même qu’en cas de corruption active: jusqu’à 10 ans de prison et 150.000 euros d’amende. Autre particularité de ce chef d’accusation: le délai de prescription est fixé à trois ans après les faits.
En cas de financement illégal de campagne, la version actuelle de l’article 113-1 du code électoral prévoit une sanction lourde : 3 ans de prison et 45.000 euros d’amende. En 2007, au moment de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, c’est cependant une autre version qui était en vigueur, et qui pourrait prévaloir, si ce chef est retenu. En vertu de l’article 112-1 du Code pénal français, on juge aujourd’hui en appliquant la loi en vigueur à la date où l’infraction a été commise. La version de 2007 prévoit une peine d’un an de prison et 3750 euros d’amende.
Le recel est le fait pour quelqu’un de « dissimuler, détenir ou transmettre une chose, ou de faire office d’intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d’un crime ou d’un délit » (article 321-1 du Code pénal). Ce chef d’accusation est passible de 5 ans de prison et 375.000 euros d’amende. Mais lorsque le recel est « commis de façon habituelle ou en utilisant les facilités que procure l’exercice d’une activité professionnelle » (article 321-2), la peine peut doubler et atteindre 10 ans de prison et 750.000 euros d’amende.
Dans l’immédiat, le placement sous contrôle judiciaire de Nicolas Sarkozy peut s’accompagner de dispositions particulières. Il peut avoir plusieurs interdictions, par exemple d’entrer en contact avec certaines personnes, comme c’est d’ailleurs actuellement. Il lui est interdit de rentrer en contact avec certains de ses amis. Le contrôle judiciaire, dans beaucoup d’autres affaires, oblige le mis en examen à aller pointer au commissariat, confisque son passeport, lui interdit parfois un périmètre.
Dans ce dossier tentaculaire, la justice dispose essentiellement de témoignages: ceux d’anciens dignitaires libyens, qui affirment avoir convoyé d’importantes sommes en argent liquide dans des valises en cuir pour financer la campagne de Nicolas Sarkozy, mais aussi celui de l’intermédiaire libanais Ziad Takieddine, qui nie quant à lui tout lien avec la campagne. Ces accusations pourraient être difficiles à étayer car cela impliquerait de retracer la circulation de ces valises, en dehors des témoignages de ceux qui les ont transportées, et pourraient aboutir à un « parole contre parole ».
Parmi les éléments qui ont pu motiver la mise en examen, la coopération internationale semble avoir porté ses fruits, puisque de nouvelles informations sont arrivées de la Libye. La justice peut en outre se servir du rapport publié par l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières qui pointait en septembre dernier d’importantes circulations d’espèces au sein de l’équipe de campagne de Nicolas Sarkozy en 2007.