Dans une nouvelle enquête publiée le 23 juillet 2019, le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) révèle la stratégie mise en place à l’île Maurice par de nombreuses entreprises étrangères pour payer moins d’impôts sur le continent africain.
Par Treisha Leyla
Mauritius Leaks, c’est le nom des 200 000 documents révélés le 23 juillet dernier par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) en partenariat avec le journal mauricien l’express.mu. L’enquête met en avant les stratégies d’optimisation fiscale mises en place par les multinationales pour profiter du faible taux d’imposition de l’île Maurice.
Mais ce n’est pas tout : elle pointe également le cadre fiscal du pays – où officiellement « tout est fait dans les règles en matière d’investissement » –, qui favorise impunément le détournement d’énormes recettes fiscales au détriment de certains Etats, notamment africains.
Tout a débuté il y a quelques mois avec une clé USB, déposée anonymement au siège de l’ICIJ à Washington. Les journalistes sur place y découvrent alors des centaines de milliers de dossiers, emails et contrats confidentiels, en provenance de Conyers Dill & Pearman, un cabinet international d’avocats d’affaires. Pendant les semaines qui suivent, quarante journalistes exploitent les documents et mettent en avant la stratégie commune de nombreuses entreprises étrangères qui consiste à aider leurs clients à fuir les taxes élevées de leurs pays, en gardant leurs fonds à l’île Maurice.
La petite île de 1,3 million d’habitants est en effet une destination de choix pour de nombreuses sociétés depuis les années 1990. Celles-ci y pratiquent l’optimisation fiscale grâce au très faible taux d’imposition qui y est appliqué (entre 0% et 3%). Le secteur financier mauricien représente à lui seul 50% du produit intérieur brut (PIB) mauricien.
L’ICIJ précise que les documents ne démontrent pas d’agissements illégaux, comme cela avait pu être le cas avec les Panama Papers, qui dénonçaient de l’évasion fiscale. Les faits révélés n’en demeurent pas moins choquants et provoquent un tollé international depuis quelques jours.
La pratique de ces entreprises est d’autant plus choquante, selon l’ICIJ, que les autorités mauriciennes, malgré leurs dénégations véhémentes, ne semblent pas s’offusquer outre mesure des manœuvres financières effectuées sur leur territoire.
La révélation des Mauritus Leaks scandalise en particulier les pays africains, dont une quinzaine a été contrainte, ces dernières années, de signer des « traités de non-double imposition » (permettant d’éviter la double imposition des personnes et des sociétés) avec l’île. Ces traités, en théorie censés favoriser l’investissement d’Etats étrangers en Afrique, seraient en réalité paralysants pour ces économies africaines en les dépossédant de nombreuses recette fiscales, ont affirmé les journalistes du Consortium dans leur enquête.
« Maurice est en train de nous priver d’impôts essentiels. Avec cet argent, nous aurions pu construire des écoles ou des routes », déplore ainsi un responsable fiscal ougandais, cité dans l’enquête.